Un beau paysage ne fait pas forcément un bon thé. Lorsque je viens de Bagdogra (Inde) et que je m’apprête à grimper pendant trois bonnes heures à l’assaut de ces contreforts himalayens, rien ne me plait autant que de m’arrêter sitôt l’étouffante Siliguri dépassée. Le terrain n’est plus tout à fait plat, la ville a disparu, la circulation s’est calmée et les klaxons aussi. Des chèvres roupillent sur la chaussée. On commence à voir loin, par-dessus les arbres, et cela aide à supporter la chaleur; on étouffe moins devant un horizon qui se dégage. Un peu de brise, des odeurs de terre, immanquablement je m’arrête et marche entre les théiers.
Ce sont de vilains théiers, à vrai dire, ils se prétendent parfois Darjeeling alors qu’ils ne le sont guère, juste un peu à l’écart de l’appellation d’origine, mais suffisamment proches pour que des négociants peu scrupuleux les mélangent au vrai et trompent l’acheteur. C’est ainsi qu’il se vend quatre fois plus de Darjeeling dans le monde qu’il n’en est réellement produit.
Mais peu importe ici puisque c’est le paysage qu’il s’agit de contempler. Et il est magnifique. Cette plaine du Teraï m’attire, cette ancienne jungle déboisée par les Anglais. On dit que quelques éléphants sauvages déboulent ici parfois, des léopards y ont leurs habitudes. Et moi je m’y sens bien, avant de repartir pour Darjeeling, je marche, je marche. Quand devant vous c’est si beau, pourquoi donc se presser ?