La question m’est souvent posée de savoir quel prix un thé peut atteindre. La réponse se trouve cette semaine sur le site de vente aux enchères de la maison Sotheby’s. Y sont proposés un lot de rares thés sombres dont le plus ancien remonte au début du XXème siècle. En effet, les thés de cette famille, lorsqu’ils ont été compressés en galette et bien conservés, ont la réputation de se bonifier avec le temps. Sur le site de la fameuse maison, l’un d’entre eux est estimé à pas moins de 900.000 dollars de Hong Kong la galette de 270 grammes, ce qui nous fait tout de même 378.148 euros le kilo. Si vous êtes intéressé, il faudra ajouter les frais de transport et vous dépêcher, les enchères prennent fin le 16 décembre.
Bonne nouvelle, un thé de cette qualité se laisse infuser plusieurs fois.
Manufacture du thé
Le goût de l’innovation
Le thé, c’est une histoire de tradition, certes, mais il n’est pas interdit d’innover. En Tanzanie, Bente, qui a eu l’audace d’installer des théiers au sein d’une plantation de café, cultive le goût de la créativité. Parfois elle évide des papayes afin de les remplir de thé et qu’au contact du fruit les feuilles de camélia se chargent de leur arôme. D’autres fois, elle souffle de l’air chaud sur des bananes coupées en rondelles pour que là aussi le thé s’imprègne d’un parfum inédit. Et tout cela, de la façon la plus artisanale qui soit. Bravo Bente !
Tapis vert
Le tapis vert n’est pas toujours synonyme de jeux de hasard. La qualité du thé que l’on produit à partir des feuilles récoltées sur cette belle étendue émeraude n’a que peu à voir avec la chance. Pour produire le meilleur thé, il s’agit plutôt de ne récolter que le bourgeon ainsi que les deux jeunes pousses terminales qui se situent à l’extrémité des rameaux. Les étapes suivantes, qui auront lieu cette fois dans la manufacture de thé, seront aussi décisives sur la qualité.
Alex cultive les expériences
Lorsque vous lirez ces lignes je serai auprès de mon ami Alex à déguster chacun de ses thés. Sa plantation de Satemwa, au Malawi, fait partie de l’une des meilleures plantations d’Afrique. Non content de produire du thé pour les besoins d’acteurs industriels, Alex a mis au point différents ateliers dans lesquels il s’essaye avec succès à des expériences variées. Les thés semi-oxydés, les thés verts, blancs, fermentés, fumés, sculptés, il a tenté tout type de manufacture, ou presque. La curiosité n’est pas un vilain défaut, au contraire, c’est grâce à elle que nous progressons et Alex le démontre tous les jours.
Des papayes et du thé
Toutes les initiatives existent et lorsqu’on a la chance de pratiquer le métier de chercheur de thé, on est aux premières loges pour faire connaissance avec les initiatives les plus variées. Ici, dans une plantation de café de Tanzanie, qui s’essaye aussi à la culture du thé, les expérimentations ne manquent pas. La dernière en date, évider des papayes pour les fourrer d’un thé semi-oxydé que l’on a préalablement flétri et roulé.. Après une courte oxydation, on cale la feuille humide dans le creux du fruit mûr pour qu’elle s’imprègne de leur délicieux parfum.
Confinement et fermentation
Les feuilles de thé ne doivent pas rester confinées longtemps, au risque de fermenter. Lors de leur transport jusqu’au lieu de leur manufacture, sitôt la récolte achevée, elles sont emballées dans des sacs dont la matière doit être assez légère et aérée, et le temps de trajet suffisamment court, pour ne pas faire courir aux jeunes pousses le risque d’une transformation involontaire.
Les boules
Il existe mille manières de façonner le thé, voire de le compresser. Lorsque l’on façonne les feuilles de thé, on peut souhaiter leur donner la forme d’aiguilles, de billes, de bâtons, de torsades, de sourcil de vieil homme, de langue de moineau, de pépin de pastèque, pour ne reprendre que quelques exemples de la jolie terminologie chinoise.
On peut aussi vouloir compresser le thé – cela se fait beaucoup pour les thés sombres, mais aussi parfois pour les thés blancs, voire certains thés noirs. On en fait alors des briques, des galettes, ou bien , comme ici, tout simplement des boules.
Des thés confinés aux puissants parfums
S’il existe une famille de thé dont on peut dire qu’elle se confine, c’est bien la famille des thés sombres. Les plus connus d’entre eux se nomment pu erh.
Ces thés se confinent le plus souvent à l’ombre et durant un à deux mois pour les durées de confinement les plus courtes. Et lorsque l’heure du déconfinement est venue, lorsque l’on soulève la couverture sous laquelle les feuilles récoltées fermentaient tranquillement, on découvre avec bonheur un thé aux notes puissantes et qui développe à la tasse de magnifiques parfums de sous-bois, de rares odeurs de caves, de champignons, des nuances animales recherchées et qui évoquent souvent l’étable, des arômes épicés. Je vous souhaite un bon déconfinement.
Y a d’la joie !
Depuis près de vingt ans on n’avait pas vu ça à Darjeeling : un hiver pluvieux. Depuis près de vingt ans, les planteurs ne cessent de se plaindre de la sécheresse qui sévit en janvier, en février ou bien les deux à la fois. En 2017, comble de malchance, pas une seule goutte d’eau n’était tombée entre octobre et mars. En 2020, enfin, la région a subi de magnifiques précipitations durant tout l’hiver. Mais l’eau ne fait pas tout. Pour que les feuilles du théier poussent, il leur faut aussi de la chaleur. Or cette année, voilà qu’il fait trop froid pour que les feuilles se développent.
En attendant que la terre se réchauffe, on déguste à nouveau les thés de l’an dernier pour se les remémorer ainsi que les rarissimes lots de basse altitude tout juste produits en quantité minuscule. Et du côté des cueilleuses, on se fait une joie de chanter.
Une question d’altitude
À Darjeeling, la récolte va bientôt commencer. Heureusement, la cueillette s’y effectue encore à la main. Ce sont les parcelles situées à basse altitude sur lesquelles on récolte en premier lieu et ce, pour une raison simple : les théiers ont bénéficié d’une température plus élevée et le bourgeon terminal a donc poussé plus rapidement. Sur cette photo, on comprend que l’on se trouve en fond de vallée du fait de la pente peu accentuée et de la densité du couvert qui préserve les arbustes d’un excès de soleil.