Ma sélection de Darjeeling de Printemps est terminée, 12 Grands Crus au total. De Puttabong à Thurbo en passant par Namring Upper et Highlands, elle représente ce que ces montagnes ont produit de meilleur au cours de la saison. Je souhaite maintenant partager avec vous les étapes postérieures à l’achat d’un thé d’une qualité exceptionnelle, à l’instar de chacun des thés de cette famille : le thé est emballé dans la plantation elle-même puis transporté par camion jusqu’à l’aéroport le plus proche. De là, il rejoint Paris pour être aussitôt acheminé vers les entrepôts de Palais des Thés. Un échantillon du lot est alors envoyé en laboratoire, le temps d’être analysé. Dès la confirmation de la conformité du thé à l’engagement Safetea qui fait la fierté de Palais des Thés, il est dispatché vers les différentes boutiques. De la plantation à la tasse, il faut accepter un délai incompressible de plusieurs semaines, gage de qualité et de sécurité.
De la plante à la tasse
Etes-vous plutôt Clonal Superb ou China Exotic ?
Les Indiens utilisent la nomenclature héritée des britanniques pour décrire les feuilles de thé (voir mon précédent billet). Cependant, depuis quelques années, ils ne se contentent plus des simples lettres « FTGFOP » ou même « SFTGFOP1 ». Ils y ajoutent des mots, en général très jolis. Certains ont une signification précise, les autres font à l’oreille une jolie musique et le producteur entend par là vous faire comprendre que ce thé exceptionnel mériterait, du plus offrant, un prix lui aussi exceptionnel. Pour les premiers, les mots China, Clonal, AV2 décrivent le théier récolté. Un cépage originaire de Chine (Camelia sinensis sinensis), un cépage hybride (le mot clonal est donc impropre en français), ou encore le nom précis du cépage (AV2 pour Ambari Vegetative n°2).
Pour les seconds, Exclusive, Delight, Exotic, Superb, Mystic, l’imagination est sans limite. Wonder, Enigma, Euphoria, c’est pas mal non plus. Je suis prêt à parier que d’ici un an ou deux on m’offrira le Nirvana !
Darjeeling ouvre le bal
Les thés de printemps sont souvent les meilleurs, première récolte oblige. A la sortie de l’hiver les nuits sont encore froides, la pousse est lente et offre une plus grande richesse aromatique. Chaque année c’est Darjeeling qui ouvre le bal, avant le Népal, la Chine, le Japon.
Au mois de mars, je peux déguster près de cent thés par jour, chacune des 87 plantations de Darjeeling manufacturant des lots très petits – quelques dizaines de kilos parfois. Dans cette région, durant la période où l’on produit des thés de grande qualité, on ne mélange pas les feuilles récoltées la veille avec celles du lendemain. En conséquence, les dégustations se suivent et ne se ressemblent pas. Les meilleurs lots s’arrachent à prix d’or, en quelques heures seulement, d’où l’importance de bien connaître chaque producteur et d’entretenir avec chacun les meilleures relations possibles.
Racontez-moi le thé !
Dans les plantations de thé, je croise des cueilleuses et des cueilleurs, bien sûr, ainsi que des villageois qui rejoignent à pied leur hameau. Je croise aussi, mais c’est plus rare, des équipes de télévision. Je viens de passer deux jours avec Julie et Romain, qui ont demandé à me suivre. Julie est journaliste et Romain que vous voyez ici est reporter d’images. Ils attendent de moi que je leur explique mon métier, et puis aussi que je fasse comme s’ils n’étaient pas là de façon à être les témoins des moments que je passe dans les champs de thé, à déguster le thé et à échanger avec les personnes que je rencontre. En leur compagnie, mon travail est un peu différent de ce qu’il est d’habitude, mais tout aussi riche. Comme à des clients qui entreraient pour la première fois dans une boutique et qui demanderaient « Racontez-moi le thé !», je leur explique le plus de choses possible, aussi bien à propos de la vie de la plantation que sur la façon de produire les meilleurs thés. J’ai maintenant hâte de voir leur beau reportage, diffusé le 16 mars prochain à partir de 19 heures sur TF1 lors de l’émission « 50 minutes inside ». Le reportage ne dure je crois qu’une poignée de minutes. Le temps d’un thé.
Dans les champs de thé
On peut déguster son thé dans sa cuisine, dans son salon ou encore au lit. On peut déguster son thé sur son balcon, dans son jardin, à sa table de travail, on peut déguster son thé face à un jolie vue. On peut aussi déguster son thé dans la plantation elle-même. On recouvre une table toute simple d’un tissu de couleur rouge, pour rompre avec le vert ; on dispose ensuite les feuilles sèches sur un support blanc afin de les observer le temps que la liqueur parvienne à la bonne température, puis l’on savoure son thé au milieu des théiers, ceux-là même dont il est issu. Merci à Vinod Kumar pour cette belle dégustation dans la plantation d’Achoor.
Les thés du Kerala
Les régions de production du sud de l’Inde se situent pour l’essentiel au Tamil Nadu (autour de Ooty et de Coonoor) et au Kerala (Munnar et Wayanad). Si les thés du sud de l’Inde ne sont pas les plus réputés du pays, il n’empêche que lorsque l’on cherche bien, on peut trouver des plantations qui manufacturent des thés tout à fait intéressants. Ici, dans la région de Wayanad avec, en fond, le sommet des Ghats occidentaux, le pic Chembra.
Des récoltes pas toujours manuelles
La récolte des feuilles de thé à l’aide de cisailles pose problème en terme de qualité car on coupe alors au hasard des rameaux au lieu de ne prélever que le bourgeon ainsi que les deux feuilles suivantes. Pour un thé de qualité, rien ne vaut la récolte manuelle. Lorsqu’au cours de mes pérégrinations je vois quelqu’un utiliser ce type d’instrument, j’engage une discussion avec le planteur pour comprendre pourquoi il procède ainsi. Souvent, le manque de main d’œuvre en est la cause. Il est aussi fréquent que la récolte manuelle subsiste à la meilleure saison, tandis que pour les récoltes d’une qualité inférieure, destinées aux thés en sachet, les cisailles sont alors utilisées.
Cochin, un comptoir de thé
La ville de Cochin (Inde) fait partie des anciens comptoirs qui se sont développés grâce au thé. Dans le cas de la capitale de l’état du Kerala, on peut ajouter les épices, le café, le jute. Toutes ces denrées étaient chargées dans les cales des navires qui faisaient voile vers l’Arabie. De nos jours encore, de nombreuses sociétés de thé indiennes maintiennent leur présence dans cette ville, notamment sur l’île de Willingdon. Et si vos pas vous mènent le long des rues qui relient le charmant quartier de Fort-Cochin à celui de Mattancherry, vous pourrez apercevoir les entrepôts des grossistes offrant par balles entières, outre le thé et le café, la cardamome, le gingembre, le poivre, la muscade…. Une promenade olfactive et un saut dans le temps car les maisons conservent le style des colons portugais et hollandais. L’ombre de Vasco de Gama s’étire partout dans la vieille ville. Non loin de là, pour le plus grand bonheur des touristes, les filets chinois vont et viennent au bout d’un bras lesté de lourdes pierres.
Les routes du thé
Durant des siècles, le thé a voyagé à dos d’âne, à dos de cheval, à dos de yak. Il existait plusieurs routes du thé. Ces routes partaient des provinces chinoises productrices de thés compressés (Yunnan, Sichuan…) pour rejoindre le Tibet. A cette époque, le thé s’échangeait contre du sel ou bien contre des chevaux.
Pour perpétuer la tradition, certains, de nos jours, organisent des reconstitutions et l’on peut alors voir défiler des bêtes par centaines qui portent sur leurs flancs des galettes de thé.
Derrière les thés que vous aimez il y a des visages
Lorsque l’on se prépare un thé, on peut avoir envie d’en savoir davantage sur le breuvage en question, par exemple découvrir le paysage qui l’a vu naître, ou bien faire connaissance avec celles ou ceux qui ont participé à sa manufacture. Tant mieux si mon blog peut vous offrir cette possibilité ! Pour les amateurs du thé du nord de la Thaïlande (Milky oolong, par exemple), voici les visages de cueilleuses de Mae Salong en pleine récolte des feuilles.