Les paysages de Darjeeling comptent parmi les plus incroyables qui soient. Non pas qu’ils dépassent tous les autres du point de vue de l’esthétique, mais la rapidité avec laquelle les paysages de cette région changent est unique. On passe d’une tempête de grêle à un beau ciel bleu en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et les brumes sont si épaisses, parfois, que le marcheur de ces régions en vient à perdre de vue le bout de ses chaussures. Après tout, le nom Darjeeling vient du tibétain « Dorje Ling » qui signifie le « Pays des Orages », c’est dire si dans ce pays ce sont les cieux qui font la loi. Bien entendu, ces variations climatiques et les violents écarts de température qui les accompagnent ont des conséquences importantes sur la qualité du thé, voici pourquoi à Darjeeling comme au Népal, les caractéristiques des thés de printemps, d’été et d’automne sont si différentes les unes des autres. Dans aucune autre région de thé au monde, on ne voit les thés varier autant, d’une saison à l’autre, sur un plan organoleptique.
De la plante à la tasse
Un jardin vertical
Le thé a très bon caractère. Il s’entend avec beaucoup de végétaux. Ici, sur les hauteurs de Taichung (Taiwan), il entretient des liens étroits avec des arecas catechu ou palmiers à bétel. Ces palmiers offrent un revenu de complément au fermier et un peu d’ombrage à nos arbustes. Ils donnent aussi une verticalité surprenante à ces jardins de thé, d’habitude très horizontaux.
Des thés de haute volée
Au centre de l’île de Taiwan sont produits les Gao Shan Cha, ces thés de haute montagne qui ont la particularité d’être roulés en perles. Il s’agit de thés semi-oxydés, ils sont donc successivement flétris, légèrement oxydés, torréfiés, roulés, séchés puis emballés. Ces thés développent à la tasse et pour les meilleurs d’entre eux des notes végétales fraîches ainsi qu’un beau bouquet floral (rose, jacinthe, jasmin) assez opulent et soutenu par des notes beurrées-lactées, parfois légèrement vanillés. Des thés de haute volée dont la production est limitée.
Une cueillette au sommet
Rejoindre les théiers sauvages à la frontière sino-viétnamienne n’est pas une mince affaire, surtout à la saison chaude. L’air suffocant et moite ralentit la marche et les sangsues qui infestent la région en profitent pour s’agripper à vous. On marche sous un soleil de plomb. L’humidité de l’air est palpable. Mais, une fois sorti de la jungle, après trois bonnes heures d’effort, on se retrouve assez haut pour découvrir ces fameux théiers qu’on a laissé pousser comme des arbres, et jouir d’un beau spectacle, surtout si on a la chance d’arriver pile à l’heure de la cueillette… (à suivre).
300 ans et toutes ses feuilles
Voici d’un peu plus près à quoi ressemble un théier lorsque l’on veut bien le laisser pousser au lieu de le maintenir très bas de façon à cueillir facilement ces bourgeons et autres pousses. De ce que l’on m’a dit dans ce coin perdu du Viêt-Nam, ce camélia aurait environ trois cents ans. Je ne suis pas un expert dans le domaine de la datation des arbres, en revanche, ce que je sais, c’est que l’on fait de bien bons thés à partir des feuilles de thé récoltées sur ces théiers-là…(à suivre).
Le thé, le riz
Le thé et le riz ont beaucoup en commun. A commencer par ces nuances de verts voire de jaunes, si délicates et si variées, si intenses. Un bonheur pour les yeux. Je pourrais passer ma vie à photographier des rizières. Je les longe souvent, avec précaution, en mettant un pied devant l’autre sur le petit muret qui les entoure, pour me rendre dans des plantations de thé situées toujours plus haut dans la montagne, comme ici au nord du Viêt-Nam. Certains jardins de thé ne sont reliés par aucune route, il faut alors commencer par emprunter le chemin sinueux des rizières. Du moins, tant que la pente est faible car le riz pousse à plat, en plaine ou bien en terrasse. Le riz, au contraire du thé, a besoin d’eau stagnante. Le thé a besoin de beaucoup d’eau mais de l’eau qui court, qui s’en va, qui ne reste pas au niveau des racines. Voilà pourquoi le thé aime les pentes lorsque le riz aime le plat. Plat contre pente, vallée contre montagne, eau stagnante contre eau courante, le thé et le riz sont comme deux frères que tout oppose, inséparables en même temps. On les retrouve toujours ensemble. Ils ont une autre caractéristique humaine importante : ce sont les deux produits agricoles qui font travailler le plus de personnes au monde… (à suivre).
Des heures de marche
De retour du Viêt-Nam, cela me fait plaisir de partager avec vous quelques photos de mon voyage. Je suis parti de Hanoï pour rejoindre la région, frontalière avec la Chine, où l’on trouve de vieux théiers à l’état sauvage dont on va récolter les feuilles pour en faire du thé sombre (ce que l’on nomme, en Chine, pu erh). Après six heures de route jusqu’à Hà Giang, suivies d’une nuit sur place, il est temps de s’équiper de bonnes chaussures de randonnée pour une marche de trois heures dans la montagne, à travers les rizières, d’abord, puis jusqu’aux fameux théiers, au milieu des nuages… (à suivre).
Sauvage et beau
Je ne me lasse pas de la beauté des paysages du Malawi. Chaque semaine, lorsque je prépare le billet pour mon blog, je passe en revue les différentes photos que j’aime et que je n’ai pas encore utilisées ici. Et à chaque fois, je reste devant celles du Malawi, un long moment. Ces paysages sont quand même incroyables. Certes, ma photo n’est pas excellente, on ne reconnaît pas bien les théiers qui ne sont pas tout à fait nets, mais cette lumière extraordinaire, toutes ces nuances de verts et de jaunes, ce beau ciel bleu ourlé de nuages blancs, ces hauts-plateaux, ce monde sauvage à perte de vue, ces lignes douces et ces autres lignes plus anguleuses, mais dans quel monde merveilleux vivons-nous ! Si nous voulons bien nous donner la peine d’ouvrir les yeux, bien sûr. Et si nous voulons bien ne pas nous acharner à le détruire.
Un thé dans toute sa simplicité
Il existe de nombreuses sortes de thé qui répondent chacune à un procédé de fabrication bien précis, parfois à un cultivar spécifique ou encore à un terroir défini. Si la plupart de ces thés sont élaborés dans des fermes de taille modeste, ils peuvent aussi être fabriqués dans de grandes manufactures avec des capacités de production supérieures, voire dans des usines, dans le cas des thés industriels (la différence essentielle entre la manufacture et l’usine étant le rôle de l’artisanat, à savoir du travail fait main, comme l’indique le mot manufacture ; cela signifie que le geste, le contrôle au toucher, à la vue, à l’odeur de la qualité des feuilles, va intervenir à chaque étape de l’élaboration du thé).
Mais la façon la plus artisanale de fabriquer un thé est celle pratiquée ici, dans la plus grande simplicité, chez lui, par un homme de l’ethnie Dao qui a eu la gentillesse de m’héberger : on jette des feuilles de thé fraîches sur les parois du wok chauffé à feu vif et on va les remuer sans arrêt de façon à les dessiquer, les façonner puis les sécher et cela sans jamais qu’elles ne brûlent. Une manière de faire rudimentaire que pratiquent souvent les populations qui vivent au milieu des théiers. A la tasse, cela donne quelque chose d’assez rude, puissant, plutôt astringent et qui a gardé un peu de l’odeur du feu. Un thé qui vous réveille et qui porte en lui la simplicité et la générosité de cette hospitalité paysanne qui vous rappelle à la vraie vie.
Un travail très rigoureux
Quel que soit son pays d’origine, un grand cru de thé représente toujours un travail très rigoureux. Cela commence lors de la cueillette qui doit être particulièrement soignée et cela dure bien sûr tout au long de chacune des étapes de la manufacture. Ici, dans l’Anhui (Chine), la récolte d’un Huang Shan Mao Feng ou « pointes duveteuses des Montagnes Jaunes ». On peut admirer à la fois la délicatesse de la récolte ainsi que le soin mis dans le transport des feuilles, à l’abri du soleil mais tout de même à l’air libre afin qu’elles respirent. La petite taille du panier répond au besoin que ces précieuses pousses ne souffrent d’aucune compression.