Tandis que nombre d’entre vous profitent du long congé de l’Ascension pour se mettre au vert, me voici à Paris devant ma table de dégustation et face à un nombre impressionnant d’échantillons. Le week-end ne suffira pas à les goûter tous. Alors que les récoltes sont arrêtées du côté de Darjeeling voici que de Chine me parviennent des thés verts primeurs aussi beaux les uns que les autres. Chaque année leur parfum végétal me fait comme un grand bol d’air. Et voici que je reçois également la plupart des productions népalaises qui ont atteint depuis près d’une décennie un excellent niveau. De nouveaux jardins les rejoignent et font parler d’eux. L’excellence se mérite et il leur a fallu des années pour en arriver là. Tels ces jeunes plants de thé qui reçoivent ici les soins les plus délicats.
De la plante à la tasse
Les feuilles du théier attirent aussi les grenouilles
Les feuilles du théier attirent de nombreux prédateurs, sûrement en raison de leur goût délicieux.
Outre ses qualités gastronomiques, le thé se veut synonyme de bien-être et de sérénité. Ce n’est pas cette inoffensive grenouille, ici très à ses aises, qui nous contredira.
Des panneaux pour attraper les insectes nuisibles
Dans les plantations de thé, on fourmille d’idées pour attraper les insectes nuisibles. Par exemple ici, à Hangzhou, on dispose des petits panneaux couverts de glue, un peu partout entre les théiers. Si le jaune fluorescent de ces accessoires attire les insectes ce sont surtout les phéromones dont ils sont enduits qui possèdent un fort pouvoir attractif.
Rien à voir, donc, avec ces panneaux électoraux qui fleurissent jusqu’à ce week-end aux abords de nos bureaux de vote.
Le Bi Luo Chun se manufacture avec dextérité
A l’instar de nombre de thés verts prestigieux originaires de Chine, le Bi Luo Chun se manufacture dans un grand wok. Je viens de quitter le lac Taihu sur les rives duquel il se cultive, pour rejoindre Suzhou.
La manufacture du Bi Luo Chun doit s’exercer avec une certaine dextérité quand on sait que la température peut monter à 180 degrés dans ce grand récipient. D’où le port de ces gants de coton.
Le Bi Luo Chun : un des thés les plus rares de Chine
Le Bi Luo Chun constitue l’un des thés les plus rares et les plus prestigieux de Chine. Mon ami Waterqian – qui figure parmi les rares fermiers à produire la meilleure qualité de Bi Luo Chun – me montre ici à quoi doit se limiter la récolte : un petit bourgeon accompagné d’une seule feuille. Une telle cueillette est rarissime. Elle explique le prix très élevé de ce thé dont le nom signifie « Spirale de Jade du Printemps ». En une journée chaque cueilleur ne récolte qu’environ deux kilos de feuilles fraîches qui ne donneront, après la manufacture, que deux cent petits grammes de thé.
Mi-avril, mon attention se porte vers la Chine
Chaque année, à la mi-avril, mon attention se porte vers la Chine. En effet, c’est à partir de cette époque que se manufacturent les magnifiques thés verts chinois, qu’ils se nomment Long Jing, Bi Luo Chun ou encore Bai Mao Hou, entre autres. Je suis en ce moment même à deux pas de Suzhou, au bord du lac Taihu.
Chaque jour je fais mon possible pour dormir au milieu des champs de thé. Et voici à quoi peut ressembler, ici, le paysage, à l’heure d’ouvrir l’œil.
La chenille poilue, un autre ennemi du théier
Le thé a de nombreux ennemis et parmi ceux-ci la chenille poilue – Hairy caterpillar, pour les Anglais. Elle pose ici avec une certaine timidité mais ne vous y fiez pas. En effet, cette délicate personne fait moins sa timide lorsqu’il s’agit de ronger à sa base un jeune plant de thé, le ronger tant et si bien et sans relâche qu’elle finit par le couper net au niveau de la base de son tronc. Et voici notre jeune théier à terre, mort.
Mon théier préféré : le « Ambari Vegetative 2 »
Tandis que la saison des Darjeeling de Printemps bat son plein je tiens à vous présenter aujourd’hui mon théier préféré parmi ceux que l’on trouve dans cette région. Il a pour nom AV2 (prononcez : é-vi-tou), diminutif de
« Ambari Vegetative 2 ». Malgré une apparence un peu fluette ce cultivar donne les meilleurs thés.
Je viens justement d’acheter un lot unique. Le Puttabong DJ 7 « Clonal Queen ». Son producteur réserve cette appellation prestigieuse aux lots récoltés à partir de théiers AV2 exclusivement. Ici, pas d’assemblage, donc, mais des notes aromatiques d’une finesse tout à fait remarquable, à la fois végétales et florales.
Je déguste une cinquantaine de thés par jour
En ce mois de mars je déguste une cinquantaine d’échantillons de thé par jour. Ce sont les Darjeeling de printemps qui inaugurent la saison suivis de peu par les thés du Népal. Un peu plus tard viendra le tour des thés verts primeurs de Chine. Puis des Ichibancha japonais.
Les dégustations se font à l’aveugle, bien sûr. Quant aux gestes ils sont toujours les mêmes : après avoir senti l’infusion on aspire la liqueur avant de la faire tourner en bouche. On analyse ainsi la texture, les saveurs, les familles olfactives. On prend son temps. On goûte et on regoûte. On reste bien concentré…. à l’exception de cet instant où un photographe fait irruption dans la salle de dégustation et saisit le mouvement.
Ce que signifie « clonal » sur l’étiquette d’un thé
De même que le vin peut être produit à partir de différents cépages, le thé provient d’arbustes qui possèdent des caractéristiques qui leur sont propres. Sur cette photo vous retrouvez les principaux cultivars utilisés dans la région de Darjeeling (Inde). Lorsqu’un lot de thé a été intégralement manufacturé à partir de ces théiers les Indiens lui donnent le qualificatif de clonal. Le mot « clonal » sur l‘étiquette d’un thé ne signifie donc pas que le théier est issu d’un clonage mais tout simplement que la récolte a été réalisée sur des cultivars bien précis. Certains de ces cultivars, mis au point par un institut de recherche agronomique, sont réputés pour leurs qualités gastronomiques.