A Darjeeling, à chaque début de printemps, les jardins qui récoltent les premiers sont ceux qui se situent les plus bas. Ils jouissent d’une température plus clémente. Voici à quoi ressemble cette région à l’endroit précis où à l’immense plaine de l’Inde succèdent les premiers plis des contreforts himalayens. On se trouve ici du côté de Longview Tea Estate et l’on distingue, à sa teinte ocre, le lit de pierre de la rivière Balasun.
De la plante à la tasse
De nouveaux échantillons de thé viennent d’arriver
Depuis deux jours les échantillons de thé arrivent en grand nombre dans ma salle de dégustation et je goûte aussitôt les petites pochettes sur lesquelles figurent le nom du jardin, le numéro du lot, le grade ainsi que la quantité de thé manufacturée.
Ça y est ! A Darjeeling, la saison a bel et bien commencé.
La météo retarde les récoltes en cette fin d’hiver
En raison du froid puis d’un manque de pluie les théiers poussent avec une grande lenteur à Darjeeling. Très peu de lots étaient manufacturés à la mi-mars et il faut encore attendre un peu pour disposer d’un grand choix.
J’ai acheté néanmoins trois lots à ce jour : une très petite production de Teesta Valley dont je vous ai déjà parlé, la première récolte de Mission Hill qui développe une belle longueur en bouche ; et enfin le Hillton DJ1 aux arômes d’herbes coupées et de légumes crus, très étonnants par leur intensité.
Darjeeling de printemps : voici comment les infuser
S’il est une famille de thé sensible à la durée de l’infusion ce sont bien les Darjeeling. Trente secondes de trop et votre thé devient amer, l’astringence excessive. Les Darjeeling de printemps doivent infuser dans les règles de l’art : une eau autour autour de 85 degrés et une durée d’infusion comprise entre 3’30 et 3’45 minutes maximum. L’équilibre gustatif et aromatique de cette famille de thé est très fragile et pour en jouir pleinement mieux vaut suivre ces conseils d’ami.
Et pendant les quelques minutes durant lesquelles votre thé infuse vous pouvez faire comme moi et prendre plaisir à tirer le portrait du minuteur. Cet exemplaire assez rustique sévit dans la salle de dégustation de Barnesbeg Tea Estate (Inde).
Je viens d’acheter le premier thé de l’année
Les premiers échantillons de thé du printemps me parviennent de Darjeeling. Bourgeons timides, pousses encore un peu engourdies par un hiver plutôt frais. La température ces jours-ci reste encore trop basse pour permettre des récoltes abondantes. Mais elle n’empêche pas certains planteurs de manufacturer de très beaux lots.
Je viens d’acheter le premier thé de l’année – un tout petit lot de 15 kilos seulement – en provenance de Teesta Valley Tea Estate. Une belle récolte, des feuilles peu roulées, une infusion fraîche, à la fois végétale et fruitée, une liqueur souple aux notes très végétales et amandées. Un pur bonheur.
Pour accompagner votre dégustation, voici précisément une vue de la plantation de Teesta Valley. On y retrouve cette rondeur et cette douceur ainsi que cette fameuse dominante végétale…un peu comme si le paysage tout entier se mirait dans notre tasse.
Pour dénicher de bons thés, la patience est de mise
Ça n’est pas à vous, buveurs de thé, que je vais enseigner la patience. Vous savez prendre le temps de choisir votre thé, prendre le temps de le préparer dans les règles de l’art et en versant sur les feuilles une eau ni trop calcaire ni trop chaude. En laissant infuser le temps qu’il faut.
Dans quelques jours nous parviendrons les premiers échantillons des thés de printemps. Toutefois ce ne sont pas toujours les tous premiers les meilleurs et l’on gagne parfois –mais pas toujours- à attendre la récolte du lendemain.
Voici une vue de Darjeeling à contempler ensemble en attendant de goûter à ces feuilles que l’on récolte en ce moment, ici-même, sur ces flancs brumeux.
La récolte de printemps va bientôt commencer
Lorsque je demande à un planteur de Darjeeling à partir de quand il va commencer à faire les premières récoltes de l’année il me répond toujours à peu près la même chose : aux alentours de la fête de Holi. Holi a lieu en Inde à chaque début du printemps. C’est la fête des couleurs. A cette occasion tout le monde se munit d’une bonne provision de pigments multicolores afin de les jeter au visage de ses proches. Et durant toute une journée on repeint, hilare, la figure de ses amis voire même de toute personne que l’on croise ce jour-là.
Avec cette robe recouverte de rose et d’orange éclatants, cette élégante bestiole qui se promène sur un bourgeon de théier semble tout droit sortie de Holi. Nul doute que la récolte de thé va commencer.
Les théiers sont taillés tous les cinq ou dix ans
Si vous voulez que votre théier produise beaucoup de feuilles encore faut-il l’entourer de soins. Tous les cinq ou dix ans, par exemple, il va falloir procéder à une taille plus ou moins sévère afin que le théier reprenne de plus belle. Dans le cas de la taille dite sévère on va couper à l’automne les troncs des arbustes à environ dix centimètres du sol. C’est très impressionnant à voir sur une grande étendue car la montagne semble alors avoir été la proie des flammes tant tout est gris, comme brûlé. C’est un peu triste. Mais quelques mois plus tard la vie reprend et de jolies pousses d’un vert tendre viennent saluer l’arrivée du printemps.
Les champs de thé s’entretiennent aussi l’hiver
Durant les mois d’hiver le thé pousse peu voire pas du tout. On va dès lors s’occuper davantage de l’entretien des champs. Du parc à bois, par exemple. Le vocable « parc à bois » désigne un espace planté d’arbustes à partir desquels on va prélever des boutures. Chacun de ces arbustes a donc été sélectionné avec une très grande attention. Chaque théier-mère, comme ici dans le parc à bois de Namring Tea Estate (Inde), peut fournir de 50 à 300 boutures par an.
Yabo cha fang : une maison de thé à Hong Kong
Lorsque j’arrive à Hong Kong je file dans l’une de ces maisons de thé qui sont autant de havres de paix. On y vient pour acheter de vieux pu er et la tradition veut que le marchand assis en face de vous, après quelques instants à vous observer, mette la bouilloire en route. Il émiette un bout de galette et l’on discute de tout et de rien, et bien sûr de thé. On compare les différentes eaux puisque le même thé va infuser plusieurs fois consécutives. D’un thé à l’autre, d’une galette à l’autre, les minutes ou parfois même les heures s’écoulent, entrecoupés du bruit de nos petites lampées : le thé se déguste ici dans les minuscules tasses façon Gong Fu Cha.
Elève de Yip Wai Man, Eliza Liu tient l’une de ces maisons dans le quartier de Mongkok et y enseigne le thé à de nombreux adeptes qui passent là de façon assez informelle. Lieu chaleureux, Yabo cha fang possède une atmosphère particulière, un charme mystérieux à l’instar du sourire d’Eliza que j’ai figé ici tandis qu’elle croise les mains à la manière de la Joconde.