A force de récolter constamment ses feuilles, comme ici dans la région des Gao Shan (Chine) qui signifie littéralement « Haute Montagne », le théier ne peut pas grandir. On le maintient, cueillette après cueillette, à la hauteur qui nous arrange : pas trop bas, pour ne pas compliquer la tâche des cueilleurs de thé, pas trop haut, pour éviter que des parasites se développent au pied du théier. Selon les régions, selon les climats, la hauteur des théiers évolue entre le genou et la taille.
De la plante à la tasse
Les thés « high grown » et « low grown »
Dans le sud du Sri Lanka, l’altitude est peu élevée, la végétation très dense. Les plantations de thé, qui sont dans cette région de petite superficie, sont entourées d’une végétation luxuriante. Les thés produits ici s’appellent des « low grown », par opposition aux thés qui poussent dans le centre très montagneux de l’île : les « high grown ». Mais attention ! Un « low grown » ne signifie pas un thé de qualité inférieure, bien au contraire : en raison d’un traitement des feuilles plus respectueux, les « low grown » obtiennent souvent les meilleurs prix aux enchères de Colombo.
Protéger les théiers de la chaleur
Comme je l’évoquais dans un billet précédent, le thé a besoin de soins délicats. Le théier apprécie de pouvoir bénéficier d’un peu d’ombre, surtout si le soleil tape fort. Dans les régions les plus chaudes, pour lui être agréable, on va donc planter des arbres afin de lui assurer un léger couvert, comme ici dans les Nilgiri (Inde).
Dans le sud de la péninsule indienne, les Nilgiri sont la deuxième région de production de thé du pays.
Contrairement à Darjeeling et à l’Assam, les récoltes se font toute l’année et on y produit presque exclusivement du thé noir CTC, de l’anglais crushing-tearing-curling. Ce procédé sans équivoque est destiné à fabriquer, avec des feuilles de thé de basse qualité, des thés de moindre intérêt qui se retrouvent souvent en sachets…
Peu de très bons thés dans la région, donc, mais des paysages splendides, de petites bourgades (Coonoor, Munnar) charmantes, des jardins d’épices, des collines couvertes de plantations de cardamome, bref, une région attachante.
Le cultivar est au thé ce que le cépage est à la vigne
Si tous les théiers font partie de la famille du Camellia Sinensis, il existe en revanche un grand nombre de cultivars qui ont chacun leurs caractéristiques et leurs qualités propres. Par exemple, certains sont plus résistants au froid, alors que d’autres le sont à certains parasites. D’autres permettent une récolte de thé plus abondante.
Ici, à Feng Qing, près de Lincang (Chine), les planteurs de thé conservent avec soin un grand nombre de cultivars afin de pouvoir tenter de nouvelles expériences, les greffer, par exemple, en vue de donner naissance à de nouveaux théiers hybrides.
J’ai visité ce jardin de thé l’an dernier entre deux dégustations de Pu Er, principal thé de cette région et manufacturé à partir du cultivar nommé « Da Ye » (grande feuille).
Par ailleurs, c’est ici, près de Lincang, que passe la fameuse route du thé et des chevaux (en savoir plus sur la route du thé et des chevaux).
Une culture du thé sous influence anglaise
Ce sont les Anglais qui ont introduit et organisé la culture du thé en Inde. Ils ont constitué de grandes plantations de thé appelées Tea Estate. Soucieux de se sentir chez eux et de ne pas se départir de leurs habitudes de vie, ils ont construit de charmants cottages typiquement British.
Lorsque je me rends à Thiashola Tea Estate (Inde), j’ai la chance de pouvoir jouir de cette maison de planteur de thé mise à ma disposition. Elle date du XIXème siècle. Nichée en bordure de jungle, elle surplombe le thé, les nuages et la plaine du Deccan. Quel bonheur d’arriver là, au milieu des fleurs, de contempler ce paysage unique, de jouir d’un silence rare. Sensation de bout du monde. Isolement total. Le moment que je préfère : à l’aube, enfiler un pull, sortir et m’asseoir sur les marches de la maison, un bol de thé fumant entre les mains, admirer le rougeoiement du ciel et la naissance du soleil.
Je viens d’acheter le premier Darjeeling de printemps
La récolte de printemps à Darjeeling est retardée pour la troisième année consécutive. Cette fois, c’est la sécheresse qui fait souffrir les plantations de thé : il n’a pas plu à Darjeeling depuis le 10 octobre 2009 ! Pourtant, le ciel est couvert, on ne voit même pas le Kanchenjunga. Dans les rares plantations qui sont irriguées, c’est le froid qui empêche les feuilles de thé de pousser. Les températures sont encore basses la nuit et au Planters Club, je dors avec une bouillotte !
A ce jour, la plupart des jardins de thé n’ont récolté qu’un seul lot (DJ1). Normalement, ils devraient déjà en avoir récolté une dizaine (DJ10). La première récolte de North Tukvar a un bouquet floral d’une qualité nettement supérieure à celle des autres plantations, même des meilleures comme Puttabong et Singbulli. Je n’ai pas hésité à acheter ce thé qui doit arriver à Paris ce weekend. Il s’agit d’un mélange clonal composé de plusieurs cultivars. D’habitude, je n’achète jamais de thé au tout début de la récolte, mais s’il ne pleut pas dans les 10 jours, il y en aura très peu.
Les quantités disponibles cette année risquent d’être nettement inférieures aux années précédentes. Ca n’a pas l’air de vraiment préoccuper le responsable de Puttabong et North Tukvar, Monsieur Somani (sur la photo), qui m’a dit avec un fatalisme tout indien : « S’il y a un orage, le thé poussera très vite, il n’y a que les Dieux qui savent…».
Bourgeon de thé et cueillette fine
Revenons-en à la cueillette et au bourgeon du thé. Lorsque le caméllia atteint sa taille adulte, on va récolter ses feuilles les plus tendres. Sur cette photo vous pouvez observer ce que l’on entend par « cueillette fine » : la cueillette du bourgeon et des deux feuilles de thé suivantes. C’est ce qui se fait à peu près de mieux en matière de thé, c’est le symbole de la perfection.
La « cueillette impériale », c’est à dire le bourgeon et la première feuille de thé suivante, se pratique en Chine au mois de mai, de façon tout à fait exceptionnelle et seulement dans les rares villages réputés pour produire les thés les plus fameux. Quant aux bourgeons de thé récoltés seuls, ils sont commercialisés sous le nom d’Aiguilles d’Argent ou Yin Zhen, lesquelles sont réservées aux initiés du fait de leur extrême finesse.
Les plantations de thé bordent le Mont Fuji
Les plantations de thé ont beau être nombreuses autour du sommet du Japon, ce n’est pas si facile de trouver un endroit d’où l’on peut voir uniquement un jardin de thé et le Mont Fuji en arrière plan. Il faut tourner en voiture, s’engager dans de petits chemins, faire demi-tour, bref, être patient. Et lorsque l’on touche au but mieux vaut mieux ne pas rêver de solitude : les Japonais sont férus de photographie, vouent un véritable culte à leur volcan fétiche… et ils sont une bonne douzaine autour de moi lorsque je prends cette photo.
Les rangées de théiers à Fuding
L’objectif de mon blog est de vous faire participer à mes voyages. Je passe une grande partie de l’année à visiter des plantations de thé. Les paysages sont souvent magnifiques et les gens que je rencontre très hospitaliers. J’en apprends sans cesse davantage sur le thé.
Ce sont ces paysages, ces gens, ces savoirs que je me propose de partager avec vous, si vous le souhaitez. Ce blog a beaucoup de sens pour moi ; à quoi bon faire un métier de rêve si on ne le partage pas ?
J’aime beaucoup cette photo prise près de Fuding, dans la province du Fujian, en Chine. J’aime le mouvement tranquille des rangées de théiers. Et puis cette belle maison enfouie dans la verdure, sereine. Je n’avais plus envie de partir.
Des couffins suspendus dans les plantations de thé
En Inde, dans les plantations de thé, la garde des nourrissons est organisée. Les bébés sont placés dans des couffins suspendus pendant que leurs mères cueillent les feuilles de thé dans les champs. Le bâtiment n’est pas couvert, il s’agit d’un simple auvent. A tour de rôle une mère s’occupe des petits, les balance au rythme d’une berceuse. Lorsque l’on se promène à pied dans une plantation de thé il n’est pas rare d’entendre leur chant délicat.