Jusqu’à la réforme agraire qui a eu lieu dans les années 70 et qui a consisté dans le démantèlement des haciendas et l’expropriation des terres, le thé du Pérou jouissait d’une réputation fameuse. Au pays Inca, l’appellation de Huyro était connue de tous, tandis qu’aujourd’hui plus personne ne sait son existence, et pour cause, le savoir-faire s’est perdu. Heureusement, une poignée de fermiers résiste et se bat pour améliorer la qualité et retrouver le lustre d’autrefois.
Inspirations
Carlota, sa jungle aimée
En Colombie, le thé pousse dans les Andes, plus exactement dans la région de Cali, capitale de la salsa. Dans cette partie de la Vallée de la Cauca, au sud-est de la capitale, Bogota, on ne fait pas que danser. Autrefois connue pour la culture de la canne à sucre, le café, le cacao font désormais partie des cultures réputées du district. Et un jour, sûrement, le thé, qui compose ici des paysages de toute beauté. Il faut dire que Carlota – qui règne sur la seule et unique plantation – a un principe : des parcelles de 5 hectares maximum, nichées au milieu de la jungle afin de préserver la biodiversité qui compte tant à ses yeux. Toute la vie de Carlota tourne autour de cet amour de la nature, cet amour pour cette jungle au creux de laquelle elle a choisi de vivre. Et si elle voue à ce point un culte à ses cultures de thé, c’est parce qu’elles permettent à toute une population de rester dans les montagnes et de préserver cet environnement à la fois unique, fragile, et d’une richesse incroyable. Un joyau.
Être humain
Au Népal, nous ne sommes pas en 2023 mais en 2078 jusqu’en avril prochain. C’est justement à quelques jours du Nouvel An que j’ai eu la chance de pouvoir assister aux danses sacrées au monastère de Shechen. Dans les coulisses, les moines se préparent. Chacun revêt son costume. Ici, l’enfant incarne le rôle du bouffon. Avec plusieurs compères, il interviendra tout au long des cérémonies pour amuser les spectateurs et leur jouer des tours. Les atsaras nous rappellent notre condition humaine. Être humain, voilà tout ce que je nous souhaite à l’aube de cette nouvelle année.
Dodik enseigne aux fermiers l’art de la manufacture
Un thé a forcément une saveur supérieure lorsque nous avons la chance de connaître celles et ceux qui l’ont fait naître, d’une part, en mémoire les paysages de champs de thé, de cette terre dont se nourrissent sur place les arbustes, d’autre part. Je vous présente Dodik. Il vit à Pacet, sur le plateau de Dieng, à une altitude d’environ 1.200 mètres. Après avoir visité chaque parcelle, observé chaque plant, chaque cultivar, il achète leur fraîche récolte aux paysans des environs et la transforme en thé vert, en thé noir, selon la qualité des pousses et ses besoins propres. Il apprend aussi aux paysans les gestes de la manufacture. Certains d’entre eux savent déjà produire des thés très rares. Et c’est Dodik qui, dans quelques mois, nous offrira le magnifique « Java Honey », un délicieux thé noir torrefié au charbon de coco.
Amérique du Sud, un autre continent pour le thé
J’ai mis un temps fou à me décider à partir en Amérique Latine. Longtemps j’ai cru que le thé c’était l’Asie et ça n’est tout de même pas rien qu’il soit né là-bas, que la Chine, le Japon aient avec cette plante une histoire plus que millénaire. Puis est venue l’Afrique, une découverte peu banale. On y fait des volumes considérables sur ce continent-là mais si on prend le temps de chercher, on trouve des jardins remarquables qui méritent largement que l’on s’attache à leur production. Et donc l’Amérique du Sud. Un nouveau défi. La Colombie puis le Pérou. Et ma surprise est grande lorsque je découvre les jardins d’une incroyable beauté, des passionnés qui s’essayent à diverses manufactures : thé blanc, vert, noir, oolong. Sans parler de l’accueil, de la joie, du bonheur pour les producteurs d’être demain reconnus. Sans parler des pratiques agricoles, remarquables elles aussi, puisqu’ici, on n’a pas attendu pour être certifié agriculture biologique.
Mieux vivre
Dans la partie centrale de l’île de Java, ce cultivateur arrache ses théiers qui ne lui rapportent plus. Il va les remplacer par des cultures maraîchères. Pourquoi n’arrive-t-il pas à vivre du thé ? Parce qu’il vend une simple cueillette plutôt qu’un thé fini. Il ne transforme pas les feuilles. On ne lui a jamais appris à le faire. Depuis toujours, il prélève les feuilles sur les rameaux, et vend aussitôt cette fraîche moisson.
Voilà donc un défi important pour tout chercheur de thé qui se respecte : comment faire pour qu’un fermier n’ait jamais à se débarrasser de ses théiers ? Comment l’aider à acquérir un savoir-faire qui lui permette de vivre de son travail ? Comment l’aider à faire naître entre ses mains des thés délicieux et à forte valeur ajoutée ? Autant de questions auxquelles nous tentons de répondre de notre mieux, en rendant visite aux fermiers, pour commencer, il s’agit bien sûr d’une étape indispensable. Et par des échanges, des dégustations, des démonstrations, des émulations entre villageois. Enfin, en répondant présent, offre généreuse à l’appui, sitôt un bon thé manufacturé.
Sur la route du thé, le sel.
Il n’y a pas qu’au Tibet et dans les régions himalayennes que la route du thé croise la route du sel. Lorsque de Cuzco on s’apprête à rejoindre la partie amazonienne du Pérou, au sein de laquelle est cultivé le thé, on passe non loin de Maras. Ce village est connu pour ses salines perchées à flanc de montagnes. Il y a des milliers d’années, ces reliefs se situaient sous la mer. De nos jours, une source fait jaillir du cœur de la terre une eau chargée d’un sel qui se dépose ensuite dans chacun de ces petits bassins.
Portrait d’Omar
Je vous présente Omar Syariff qui est très impliqué dans la production de thé de qualité dans la partie centrale de l’île de Java (Indonésie), et plus particulièrement sur le plateau de Dieng. Il consacre son temps et son énergie à aider celles et ceux qui cultivent cette plante. Il cherche pour ces fermiers les cultivars les plus résistants. Il les aide à développer une production, cette fois à partir de théiers anciens dont la récolte va rapporter davantage à la communauté locale. Quand je demande à Omar ce qui le passionne dans la vie, il répond « Partager le savoir ». « Mettre en commun les expériences ». Et lorsque je lui demande ce qu’il aimerait que je dise ici de lui, il répond d’une façon sobre : – Je ne suis rien de plus que quelqu’un qui sait faire du bon thé.
Gens du thé
Le thé, ce ne sont pas que des paysages, aussi beaux soient-ils, ce ne sont pas que des arbustes, ce ne sont pas que des feuilles, ce sont d’abord des gens, des hommes ou des femmes qui le récoltent, qui le travaillent, qui l’analysent, qui le sélectionnent. De Harendong à Semarang en passant par le centre de recherche de Bandung, quelques visages de celles et ceux qui, à un titre ou à un autre, vivent du thé ou apprécient simplement de le déguster.
Se mettre au vert
Parfois les champs de thé donnent sur la mer, le vert s’ouvre sur le bleu. Cela se rencontre au Japon, par exemple, ainsi que dans divers points du globe, par exemple ici, aux Açores. Le bleu d’un lac installé dans un ancien cratère évoque lui aussi l’évasion. L’expression se mettre au vert signifie prendre du recul et pour moi qui suis dans le vert toute l’année me correspondrait davantage à l’heure des vacances de remplacer cette couleur par le bleu. Je vous souhaite un bel été et vous retrouve avec joie début septembre, pour de nouveaux voyages.