Chaque année, les tea sommeliers que nous sommes ont droit à leur marathon. Il a pour nom Darjeeling. Les échantillons de thés de printemps en provenance de cette région arrivent par pochette de dix, vingt, trente. Il faut tout goûter dans la demi-journée si l’on veut avoir une chance que les thés soient encore disponibles. Plus l’on se dépêche, plus c’est cher, mais plus l’on tarde et plus on prend le risque de ne rien avoir du tout des thés que l’on aime. Cet exercice qui ne se pratique que pour Darjeeling, du fait que les ventes se font au plus offrant et que les lots ne dépassent pas quelques dizaines de kilos, dure environ six semaines. A la suite de quoi toute la production printanière a trouvé preneur et les théiers, contrariés par trois prélèvements successifs, font une pause avant de reprendre leur pousse. On peut se permettre ici un constat : année après année, ces thé valent de plus en plus cher. Pourtant, tous les jardins situés à Darjeeling prétendent perdre de l’argent du fait des coûts de production en hausse, et ces hausses ne semblent malheureusement pas bénéficier aux cueilleuses. Les audits de Mckinsey, si décriés en cette veille d’élection, seraient ici précieux pour faire la lumière sur ce mystère.
A chacun sa préparation
Lorsque l’on achète un thé, on apprécie de disposer d’informations qui permettent de le préparer de la meilleure façon qui soit aux fins d’obtenir la liqueur la plus riche en termes d’arômes et la plus équilibrée. C’est pourquoi les indications de températures et de durée d’infusion portée sur chaque paquet sont précieuses. Pour autant, ces recommandations ne sont pas parfaites. Celui qui découvre un thé ne le prépare pas de la même manière que l’amateur éclairé. Pour une première fois, on apprécie une infusion un peu poussée qui affirme de façon claire les caractéristiques du cru en question. Et plus on connaît un thé, plus on le fait infuser peu de temps, quitte à employer davantage de feuilles. Les indications de température et de durée d’infusion ne sont donc pas à suivre à la lettre ; elles désignent plutôt une température maximum, un temps d’infusion maximum. Et à partir de là, chacun peut agir à sa guise et jouer avec la préparation dans le sens qui lui convient.
Un métier de chercheur
Dans moins de trois mois, le cycle du printemps commence et avec lui ses moissons de nouvelles récoltes. Comme chaque année, en plus des incontournables, mon assistant chercheur de thé et moi-même allons partir en quête de thés rares. Le travail d’un chercheur de thé consiste à refaire en permanence sa sélection de thés, déguster les nouveaux crus des fermiers avec lesquels il travaille déjà (et rien ne dit que quelqu’un ayant produit un thé exceptionnel l’année précédente va réussir à en produire d’aussi bons l’année d’après). Et le travail consiste également à aller trouver de nouveaux fermiers, dans des régions de production déjà réputées autant que dans de nouvelles régions où des pionniers commencent à acquérir le savoir-faire nécessaire. Sur cette photo, un paysage du Malawi, un pays dont personne ne savait il y a seulement quelques années qu’il serait un jour capable de produire du bon thé.