Dans une plantation de thé – à moins de tout faire à la main, du passage au wok jusqu’au séchage, ce qui représente un travail proprement titanesque -, il faut un moteur pour faire tourner les différentes machines. Une curiosité attend celui ou celle qui a la chance de visiter la factory de Badamtam (Inde). Un antique et non moins authentique moteur de bateau trône à l’arrière du bâtiment et après avoir entraîné durant des années les diverses machines dédiées au thé. Aujourd’hui, l’engin brille comme un sou neuf aux côtés d’un petit temple hindou. Les dieux veillent à son parfait fonctionnement.
Orge et sarrasin
Il n’y a pas que le thé dans la vie. Il y a aussi l’orge et le sarrasin. Une fois les graines torréfiées, on les fait infuser. A chaud, à froid, c’est délicieux. Les Japonais, qui en consomment depuis toujours, adorent. En Bretagne on en produit, une chance puisque cela peut éviter de les faire venir du bout du monde. A la rentrée je vous présenterai Yoann, un « torréfacteur d’alternative bretonne », comme il se définit lui-même. D’ici-là, les épis d’orge mûrs auront été fauchés et les jolies fleurs de sarrasin auront eu le temps de faire des graines. Je vous souhaite un bel été.
Jardin zen
Au Japon, pays d’ordre s’il en est, les théiers sont entretenus de la façon la plus rectiligne qui soit. Ils composent des sortes de jardins zen si bien qu’à l’instar de ceux qui se rencontrent à Kyoto et dans bien d’autres régions de l’Archipel, à leur contact on aspire à se poser et à les contempler. Leur esthétique vous absorbe.
Au Japon, la relève en question
Il y a quelque chose qui vous frappe lorsque vous visitez des fermes de thé au Japon, que vous allez de manufacture en manufacture, c’est l’âge des exploitants. Souvent ces couples représentent la quatrième, cinquième, sixième génération, mais quand on les questionne à propos de la relève, bien souvent il n’y a plus personne après eux. Ils n’ont pas ou peu d’enfants, rarement enclins à s’inscrire dans la continuité familiale. Un vrai défi pour les productions de thé au Japon. Certes, les terres ne vont pas disparaître et les théiers sans doute pas non plus, les champs seront repris par une importante société de thé, mais cette mosaïque de très petits producteurs qui cultivent en moyenne environ cinq hectares, contribue à la richesse gastronomique du thé puisque chacun travaille les cultivars de son choix et en fonction de son terroir. Il me semble que c’est important de se fournir chez eux le plus longtemps possible, afin de donner toutes les chances à une aléatoire relève.
Agriculture biologique : des pratiques perfectibles
A la suite de mon dernier billet, j’ai reçu des commentaires qui me semblent intéressants à rapporter. Au préalable, je tiens à préciser que l’Inde est un pays pour lequel j’éprouve un profond attachement, et la région de Darjeeling, je l’ai visitée plusieurs dizaines de fois, c’est vous dire si elle m’est chère. Enfin, en plus de 30 ans, Palais des Thés a multiplié les initiatives pour faire connaître les merveilleux thés en provenance de cette région du monde.
Je fais la synthèse des remarques reçues et je tiens à souligner que ce problème de pesticide qui ne devrait jamais se retrouver a fortiori dans un thé labellisé « AB » ne concerne pas que l’Inde. Dans d’autres pays, la même chose pourrait se produire. Les remarques en provenance d’amis producteurs et que je partage avec vous sont les suivantes :
– Le pesticide incriminé ne se trouve pas facilement, son usage est devenu rarissime dans le thé. En revanche, des pulvérisations de DDT par les autorités existent et ce afin de lutter contre le paludisme dans de rares zones particulièrement infestées ; ces pulvérisations qui gagneraient à être réalisées à l’aide de produits de substitution peuvent se retrouver sur les productions agricoles alentour ;
– La création de barrières végétales entre les routes et les champs, ainsi qu’autour des habitations a été au cœur de nombreuses discussions avec les autorités sanitaires régionales ; c’est une solution facile à mettre en œuvre dans les cas où la lutte contre la présence du moustique porteur du parasite à l’origine de la malaria s’avère indispensable ;
– Parfois, une proximité excessive entre la personne en charge de la certification et le propriétaire de la parcelle nuit au sérieux de ladite mission et aboutit à un contrôle de pure forme ;
Un élément me semble important à souligner, que peu de consommateurs connaissent : les certifications de type « AB » reposent essentiellement sur l’examen de pièces diverses, et les organismes en charge de ces certifications ne procèdent pas systématiquement à des analyses en laboratoire. Notre santé comme celle de nos clients est primordiale, voilà pourquoi j’aborde ce sujet ici de la façon la plus simple, la plus transparente possible.
Chercher l’intrus
Un intrus se cache dans cette photo, saurez-vous le démasquer ? Regardez bien !
Il s’appelle DDT, pour Dichlorodiphényltrichloroéthane. Invisible à l’œil nu. Et pourtant il est bien présent ici, dans cette plantation du nord de l’Inde. Une plantation de surcroît certifiée « agriculture biologique ». Comment est-ce possible ? Voici : il n’existe pas à l’heure actuelle d’obligation de résultat en ce qui concerne le label Agriculture Biologique ou « AB », ce qui signifie que l’organisme certificateur qui va suivre le travail de la plantation va s’assurer par différents moyens que le process de fabrication du thé est conforme aux normes de l’agriculture biologique. Le contrôle va porter sur l’analyse de très nombreux documents mais pas forcément du thé lui-même. Voilà pourquoi, un thé qui ne devrait jamais se trouver en vente peut passer au travers des mailles. Ici, parce que Palais des Thés fait du zèle en quelque sorte, en allant bien au-delà de ses obligations légales, le thé a été envoyé dans un laboratoire indépendant, avant toute mise sur le marché, il est revenu non conforme.
Dans un cas comme celui-là, rare, heureusement, nous prenons immédiatement contact avec le producteur, analyses à l’appui, et lui demandons de reprendre son thé. Il repartira en Inde ou sera détruit, à son choix. La santé des clients n’est pas négociable.
Hojicha, merveilleux thé grillé
Le plus connu des thés grillés japonais, le hojicha (parfois orthographié houjicha ou encore hôjicha), est fait à partir du thé bancha, issu de la récolte d’automne. Après avoir suivi le process de fabrication traditionnel d’un thé vert japonais (étuvage, façonnage, séchage), il est passé au four durant 5 minutes à 150 degrés, d’abord, puis à 300 degrés ensuite, durant une durée analogue. De nos jours, le hojicha est davantage consommé dans les parties du pays où le thé ne pousse pas, donc au nord de Tokyo et principalement sur l’île d’Hokkaido. Pour les amateurs d’accords gastronomiques, servi tiède ou à température ambiante, ses notes boisées et animales accompagnent à merveille la dégustation d’un pont-l’evêque, d’un livarot, ou de tout autre fromage à pâte molle et à croûte lavée ou fleurie.
Une taille mécanique
Au Japon, la récolte la plus prestigieuse de l’année a lieu entre fin avril et début mai. C’est à ce moment-là que l’on manufacture les fameux ichibancha, ou thés de la première récolte. Au début du mois de juin a lieu la taille suivante. Elle donne des thés intéressants mais qui ne sont toutefois pas au niveau des précédents. Ici, dans les environs de Shizuoka, je participe à ma manière aux opérations, au volant d’une Kawasaki assez différente de celles que l’on peut voir circuler dans les rues de nos villes. Pour des raisons de coûts de main-d’œuvre, le Japon est l’un des rares pays au monde à avoir mécanisé ses opérations de cueillette.
Pour que déguster le thé reste toujours un plaisir
Me voici en Inde pour le commencement des récoltes de printemps. Entre le moment où nous dégustons un thé aussi fragile qu’un thé primeur, entre le moment où nous l’achetons, où ce thé est mis à bord d’un avion, et le moment où vous le trouvez dans votre boutique préférée, il s’écoule un certain nombre de jours, incompressibles. En effet, une fois rendu dans nos entrepôts et à moins que ce lot soit déjà certifié « bio » par un organisme agréé, nous envoyons et de notre propre fait un échantillon de ce thé dans un laboratoire indépendant afin qu’il soit soumis à un contrôle très strict de plus de deux cents résidus de pesticides. Et pour les thés déjà certifiés, nous pratiquons tout de même des tests et sur une base cette fois aléatoire. Seul en France à s’être hissé à un tel niveau d’exigence, Palais des Thés assure ainsi la communauté des amateurs de la parfaite conformité de ses lots et de leur bien-être à tous.
Photo : Alexandre Denni.
C’est le bouquet !
Au Pérou, le thé vaut si peu cher, il est si peu demandé que la moitié de la production part chez les fleuristes. Les rameaux du théier tiennent longtemps en bouquet. Mais cela est tout de même un peu triste pour les fermiers qui se privent ainsi, faute de savoir-faire, faute d’une demande plus soutenue, de précieux revenus. Ceux-ci leur permettraient de vivre correctement et de développer leur activité. Et c’est mon rôle ainsi que celui de Palais des Thés que de les aider à manufacturer des lots de thé de meilleure, voire d’excellente qualité, et de faire connaître leur travail.