Cette photo peut vous sembler curieuse et ce, à juste titre : il ne s’agit pas ici de feuilles de thé, mais de menthe. Cependant, cette photo illustre parfaitement un aspect de mon travail. En effet, de nombreux petits producteurs de par le monde font pousser du thé, procèdent à la récolte et vendent ensuite les feuilles fraîches à une coopérative, à un fermier plus important qu’eux-mêmes, ou encore à une société qui va transformer la feuille de thé. Ces petits producteurs peuvent avoir parfois un pouvoir économique fort, quand la demande en feuilles de thé est supérieure à l’offre. Mais, le plus souvent, ils sont dépendants de leur acheteur. Il est donc toujours préférable qu’un petit producteur tire ses revenus en partie du thé, mais en partie seulement, et qu’à côté du thé il développe des cultures de complément : pomme de terre, gingembre, fruits ou autre. Ainsi, il se met à l’abri de toute variation du prix du thé et s’assure une meilleure tranquillité.
Pensées
Le bleu et le vert
Le bleu et le vert sont mes couleurs favorites. Le bleu, parce que la mer m’a beaucoup marqué et cette île en Bretagne sur laquelle j’ai passé tous mes étés d’enfance compte pour beaucoup dans mon apprentissage de la vie. Le bleu qui s’en va, qui revient, au gré des marées, le bleu qui tourne au vert puis au brun lorsque l’estran paraît, le bleu de la houle, le bleu du ciel breton – n’en déplaise aux esprits crachins. Le bleu et puis le vert, le vert des champs de thé, le vert des camélias, vert-sombre ou bien vert-jaune, selon les différents cépages, le vert luisant ou bien mate de la feuille selon que l’on observe son dessus ou bien son dessous. Le vert des rizières qui jouxtent les pentes recouvertes de théiers, le vert des forêts, si essentielles à l’équilibre du climat, le vert-sombre des cryptomeria japonica, cet arbre filiforme, un peu dégarni, que j’admire, de Kyoto à Darjeeling, et dont les aiguilles retiennent si bien les brumes, le vert de l’école buissonnière, que j’ai fréquentée, le vert de la campagne, de mon coin de nature où je me plais tant, les verts nuancés de chaque herbe aromatique avec lesquelles j’assaisonne mes plats, les verts des pousses, les verts du printemps, les verts de la nature qui s’éveille, le vert, symbole de vie.
« Quelles sont les nouvelles ? »
Il y a une chose qu’aucun planteur ne m’empêchera jamais de faire, c’est de marcher, partir en ballade pour une ou deux heures, au moins, chaque jour. J’adore ça. Seul ou accompagné, peu m’importe, j’aime marcher, j’aime aller à la rencontre des gens, j’aime observer la lumière, le temps qui change, la beauté d’une floraison, la couleur d’un torchis, j’aime m’asseoir sur le pas d’une maison, échanger des sourires avec des gens dont je ne sais rien mais avec lesquels je suis lié, parce que nous vivons sur la même planète, bien sûr, et parce que le thé fait sans doute partie de leur vie à eux aussi. On apprend beaucoup en marchant : sur la façon dont vivent les gens, sur les méthodes de culture du thé, sur le climat, sur la géographie, et puis il y a ces couleurs, ces odeurs. Il y a des bêtes étranges, bien sûr, des serpents, parfois, dont on ignore tout, des insectes invraisemblables, des trucs qui font des bonds. Mais je suis bien. Je m’assoies sur un coin de rocher quand j’ai envie d’admirer quelque chose, quand c’est beau, tout simplement, et parce qu’il fait bon prendre son temps, se demander à quoi l’on sert sur notre petite planète, quel est le sens de la vie, le thé c’est la lenteur. Et puis le thé vous apprend le calme, il vous apprend à respirer, au propre comme au figuré, il vous apprend à arrêter de vous agiter sans plus savoir pourquoi vous courrez de droite à gauche, du matin jusqu’au soir.
Ici, à trois heures au nord de Kigali, sur les petits sentiers perdus dans la montagne, « bonjour » se dit d’une façon très jolie. Lorsque vous croisez quelqu’un il vous lance en levant ses bras, comme on ferait avec un ami que l’on aurait pas vu depuis longtemps, un joyeux « Amakuru ! ». Et son bonjour signifie, « Quelles sont les nouvelles ? ».
L’amour court les rues
Sur la palissade de l’une de nos boutiques en travaux, en surplomb d’une tasse de thé tenue délicatement à deux mains et dont on ne sait si elle est offerte ou bien contemplée mais dont on sent qu’elle est au centre d’une attention, un graffiti me réjouit. C’est un ami qui me l’a signalé. Il s’agit d’une information de taille, un scoop, comme disent nos amis anglo-saxons. Il mérite que l’on s’y arrête. D’habitude, je vous emmène dans mes lointains voyages, au bout de la planète, le plus souvent en haut de montagnes couvertes de brumes, mais il faut bien avoir aussi un peu de présence au monde immédiat qui nous entoure et ne pas forcément se dire que l’herbe est plus verte, la vie forcément plus belle ailleurs. L’amour court les rues. Je me réjouis de cette bonne nouvelle. Parce que nous le voulons bien, les médias nous abreuvent à haut débit de mauvaises nouvelles et en oublient de nous donner des informations aussi essentielles que celles-ci : l’amour court les rues.
De Paris à Bamako, de Bruxelles à Istanbul, nous avons parfois de tristes occasions d’en douter mais l’amour court les rues puisque c’est écrit ici, c’est un évènement qui vaut largement d’autres dépêches. Le graffiti en question trouve sa place de surcroît dans une rue qui a vu passer Saint-Denis à qui on venait de couper la tête et qui la portait de ce fait entre ses mains, en route pour ce lieu sur lequel on bâtira la basilique éponyme, ainsi non seulement l’amour court-il les rues mais encore passe-t-il après les martyrs et rappelle-t-il ainsi que l’amour vaut bien plus que toutes les haines.
Et si ce tagueur avait raison ? Et si l’amour courait les rues mais que nous n’y prêtions pas attention, par manque de temps, manque de présence, manque d’attention, manque de disponibilité ? Manque d’altruisme, dirait Matthieu Ricard ? Il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple, écrivait Prévert ; nous pourrions essayer d’humaniser un peu les rues, de nous sourire, nous dire de petits mots gentils à la moindre occasion, nous prêter de l’attention, nous dire merci lorsque cela s’y prête, nous aider lorsque le besoin se devine. Oui, l’amour court les rues, accueillons-le au lieu de ne pas le voir, faisons-lui un peu de place. Cela ne tient qu’à nous. Ne le laissons pas s’enfuir.
Pour My
Pour de nombreuses personnes qui l’exercent, le thé n’est pas un métier comme un autre. Il peut y avoir beaucoup d’amour dans le thé. Beaucoup de générosité et d’humanité. Il peut y avoir aussi beaucoup de passion chez les amateurs comme chez les producteurs et comme chez celles et ceux qui vous reçoivent dans nos boutiques et vous conseillent. A My, disparue beaucoup trop tôt et qui travaillait depuis de nombreuses années au Palais des Thés à Bruxelles, je dédie cette photo, pour elle qui aimait aussi dessiner.
Un pont comme un passage
Pour célébrer le passage de 2015 à 2016, je choisis cette photo prise au Japon, aux environs de Shizuoka. J’aime les ponts suspendus, ces passages au-dessus du vide qui s’empruntent parfois avec une pointe d’appréhension vite dissipée. Je vous souhaite une année heureuse, paisible. Je vous souhaite de suivre une belle route. Je vous souhaite de vivre en harmonie, harmonie avec vous-mêmes, harmonie avec les autres. Je nous souhaite de vivre épanouis au milieu de celles et ceux dont nous aurons peut-être eu la chance de pouvoir contribuer à l’épanouissement.
Pour un futur harmonieux
On peut me raconter tout ce qu’on veut, je reste convaincu que l’éducation est la clé d’une société où il fait bon vivre ensemble. La clé pour l’égalité des chances. En voyage dans les champs de thé, je ne rate jamais une occasion de visiter l’école du village, de bavarder aussi bien avec les élèves qu’avec les professeurs.
Le moment des retrouvailles
Noël arrive, un moment de souffle, une pause, une parenthèse pour prendre le temps. On reçoit sa famille ou bien ses amis, on fait des kilomètres pour se retrouver. On offre des cadeaux. On ouvre sa porte aux autres, à son voisin de palier qui vit seul, peut-être, ou bien à celle ou celui qui vient de loin. On l’accueille avec une tasse de thé, bien sûr !
Je vous souhaite de belles fêtes, je vous souhaite de prendre le temps de vivre le moment intense des retrouvailles.
A nous d’accepter d’être une espèce parmi d’autres
La plupart des pays du monde sont réunis à Paris pour tenter de trouver une solution à la catastrophe écologique qui nous menace. Il faudrait d’abord rappeler que cette catastrophe, c’est nous-mêmes qui en sommes les auteurs. Ça n’est donc pas la catastrophe qui nous menace, mais bien nous-mêmes. L’Homme a accompli l’exploit, malgré sa soi-disant supériorité, d’être devenu un danger majeur pour toutes les espèces vivantes, pour tous les écosystèmes, et également pour lui-même.
A nous de changer nos habitudes. Il n’y a pas de fatalité. Ce ne sont par ailleurs pas les progrès scientifiques qui conduisent au réchauffement climatique mais le comportement d’une infime minorité de celles et ceux qui peuplent la Terre et qui accaparent l’essentiel des ressources à leur seul bénéfice et afin d’en tirer un profit maximum. Ils consomment de façon effrénée, au mépris complet de nos milieux naturels.
Il faut nous réconcilier avec notre environnement. Il faut comprendre que nous en sommes un élément comme un autre et que pour vivre en harmonie avec cet environnement, nous devons accepter de n’en être qu’un habitant. Comprendre qu’un rivage, une montagne, une forêt, un marais, un océan, un haut-plateau est un écosystème en soi et qu’il a lui aussi une existence. Une existence qui s’impose à nous.
Nous commencerons à aller mieux, et la planète qui nous offre ses ressources et sa beauté avec, lorsque nous aurons compris que la Terre n’est pas au service de l’Homme. Que nous ne la possédons pas. Que nous n’avons aucun droit sur elle, sauf celui de la préserver, dans toute sa richesse, dans toute sa diversité. Et que nous avons mieux à faire, notre vie durant, que de nous valoriser par nos consommations.
Aimer son pays
A l’heure où l’on voit fleurir un peu partout notre drapeau français, je retrouve cette joyeuse photo. En mai dernier, alors que leur pays vient d’être secoué par une grave secousse, ces gamins arborent fièrement un « I love Népal » et un grand sourire qui fait plaisir à voir. Ces enfants ont bien raison d’aimer leur beau pays.









