Hier, j’ai longuement conversé avec Jeewan Prakash Gurung, l’un des plus anciens planteurs de Darjeeling. Il a passé 48 ans dans le thé, un record ! Il m’a reçu dans sa plantation de Seeyok et entre deux dégustations, nous avons parlé jusqu’à la nuit tombée. Ses mots sont forts et ils me touchent : « Le thé n’est pas un produit, c’est une culture !». Et sa fierté, en parlant de lui-même et de ses collègues planteurs, Jeewan Prakash l’exprime ainsi : « Je suis fier des thés de Darjeeling, ce sont eux qui font ce que nous sommes aujourd’hui. ». Sur la route en lacet qui me ramenait à Mirik, contemplant par la vitre grande ouverte de la Jeep ces montagnes enveloppées de brume et de nuit, j’ai repensé à ces mots et j’ai compris quelque chose d’important : certaines personnes se contentent de faire du thé, de façonner les feuilles de thé, tandis que d’autres, c’est le thé lui-même qui les a façonnées et qui a fini par les rendre telles qu’elles sont aujourd’hui. Cela m’a fait bien sûr penser à la célèbre phrase de Nicolas Bouvier, On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait…
Dégustation
Paisible ryokan
Chacun trouve son bonheur où il veut et le mien j’en jouis pleinement au contact de la nature, dans des lieux habités par le silence. La foule m’amuse un moment et au Japon, après avoir fait une nouvelle fois l’expérience de l’invraisemblable cohue qui s’entrechoque avec celle qui vient d’en face, au fameux carrefour de Shibuya, rien ne me plaît davantage que de me retrouver loin de la ville, dans une vieille demeure transformée en auberge, un ryokan. Et là, au milieu de nulle part, sensible au moindre murmure comme aux matières qui m’entourent et parmi elles, le bois, la paille de riz, la pierre, je me dissous dans le paysage et je trouve ma place parmi les arbres, le souffle du vent, le murmure de l’eau. Un bol de thé à la main, je ferme les yeux et déguste avec lenteur l’infusion à la fois puissante et végétale. Je reste alors entièrement concentré sur le moment présent. Je bois du thé pour oublier le bruit du monde, chantait Lu Yu, le Fou de thé, comme on le surnomme encore, et auteur du « Classique du thé ».
Thé et hospitalité
Rien n’est plus simple que de prendre le temps d’un thé et ici, dans le désert égyptien, les paysans, lors de la récolte de la menthe, réunissent quelques morceaux de bois de figuier, font chauffer l’eau dans une bouilloire rudimentaire et qui fera aussi office de théière. Quelques minutes plus tard, chacun savoure le bonheur d’être ensemble.
A chacun sa préparation
Lorsque l’on achète un thé, on apprécie de disposer d’informations qui permettent de le préparer de la meilleure façon qui soit aux fins d’obtenir la liqueur la plus riche en termes d’arômes et la plus équilibrée. C’est pourquoi les indications de températures et de durée d’infusion portée sur chaque paquet sont précieuses. Pour autant, ces recommandations ne sont pas parfaites. Celui qui découvre un thé ne le prépare pas de la même manière que l’amateur éclairé. Pour une première fois, on apprécie une infusion un peu poussée qui affirme de façon claire les caractéristiques du cru en question. Et plus on connaît un thé, plus on le fait infuser peu de temps, quitte à employer davantage de feuilles. Les indications de température et de durée d’infusion ne sont donc pas à suivre à la lettre ; elles désignent plutôt une température maximum, un temps d’infusion maximum. Et à partir de là, chacun peut agir à sa guise et jouer avec la préparation dans le sens qui lui convient.
Un thé de saison
En janvier, lorsqu’il fait froid, quel thé boire ? Je recommande le thé sombre, surtout après la période des Fêtes. Un thé puissant, réputé depuis des siècles en Chine pour ses vertus digestives. Mais attention, ce thé que l’on nomme aussi Pu Er a subi l’épreuve de la fermentation. En conséquence, il développe à la tasse des arômes de mousse, de champignons, de sous-bois, de paille humide… Des notes de vanille, de réglisse… Des notes de cuir, entre autres notes animales. En résumé, un thé incroyable qui convient à la saison et qui nous fait du bien. Vous m’en direz des nouvelles !
Le choix de la sécurité
Il y a seulement quelques jours, Léo et moi, avons eu la joie de déguster un échantillon d’un sublime cru venu du sud-ouest de la Chine, l’un de ces fameux « bourgeons de Yunnan » qui connaît auprès des amateurs un franc succès.
Je partage ici avec vous le déroulé des étapes qui suivent celle de la sélection d’un lot.
Aussitôt après avoir estimé la quantité nécessaire, nous passons commande. S’agissant d’un thé produit en volume restreint, il va voyager par air et à peine touchera-t-il le sol français qu’un prélèvement sera effectué et envoyé dans un laboratoire indépendant. La politique volontariste et unique de Palais des Thés conduit à ce que tout thé qui n’est pas certifié « agriculture biologique » soit testé. Plus de cent molécules différentes sont ainsi recherchées afin de s’assurer de la conformité du lot avec les normes européennes, reconnues comme les plus strictes au monde. Et c’est seulement une fois cet examen passé avec succès que ce thé sera réparti entre les boutiques. Il faut compter en moyenne entre 4 et 6 semaines entre le moment où l’on déguste le thé et sa disponibilité en boutique. Un long délai que Palais des Thés, qui se veut mieux-disant en matière de sécurité alimentaire, fait le choix de s’imposer pour la santé de tous.
Une balade en forêt
En cette période de confinement, on se laisse un peu aller parfois quant à son hygiène de vie, on pratique moins de sport, bref, on prend du poids. N’est-ce pas le bon moment pour se mettre au thé ? Parmi les mille vertus dont la pharmacopée chinoise pare notre fameux Camellia sinensis, celle de brûler les graisses. Cette qualité remarquable vaudrait notamment pour les thés sombres que l’on nomme pu erh, des thés aux notes puissantes de sous-bois et d’humus. À défaut de balade en forêt vous en aurez, dans votre tasse, en plus de ces présupposés bénéfices, tous les parfums.
Un voyage en image
Parcourir le monde ne constitue pas une nécessité, y compris lorsque l’on exerce un métier comme le mien. Malgré la situation sanitaire mondiale, les échantillons des thés produits au bout du monde par les fermiers que nous connaissons nous arrivent. Nous les dégustons au chaud de notre salle de dégustation. Nous sélectionnons ceux que nous souhaitons. Bref, le monde du chercheur de thé continue de tourner à peu près rond en ces temps de Covid 19. Un monde étrange qui nous laisse cependant immobiles. Et lorsque la nostalgie du voyage nous prend, la nostalgie de ces paysages merveilleux, de ces montagnes, de ces cieux changeants, rien n’empêche, après tout, de nous y transporter grâce au pouvoir de l’image. Ici nous sommes dans le nord de la Thaïlande, le Triangle d’Or n’est pas loin.
Quel thé pour un buveur de café ?
Vous vous êtes sûrement demandé un jour quel thé faire déguster à un buveur de café récalcitrant. En effet, certains considèrent qu’en-dehors de leur petit noir il n’existe point de salut. Dans un cas semblable et par expérience, je vous conseille des thés aux notes pyrogénées (c’est-à-dire grillées ou encore torréfiées). Ces composés aromatiques sont très présents dans trois fameux thés japonais qui sont le Bancha Hojicha, le Shiraore Kuki Hojicha et enfin le Genmaicha. Trois thés très abordables et très faciles à apprécier qui constituent, du fait de leur parfum de torréfaction, la passerelle idéale pour aller du café vers le thé.
Ça chauffe !
On parle beaucoup de bilan carbone et si l’on pense au thé, vient aussitôt à l’esprit l’image du transport, maritime ou aérien. Pour autant, lorsque vous dégustez une tasse de thé, savez-vous quel est le principal facteur qui impacte ce bilan ? Il s’agit tout simplement de l’énergie qui sert à faire chauffer l’eau du thé. A la bouilloire, donc. Son impact est bien supérieur à celui du transport de quelques feuilles qui ne pèsent pas grand chose. Lorsque vous vous préparez un thé, si vous voulez réduire votre empreinte carbone, faites chauffer la quantité d’eau strictement nécessaire et arrêtez la bouilloire à la température choisie, plutôt que de faire chauffer deux fois trop d’eau ou bien de la conduire à une température trop élevée, pour la laisser refroidir ensuite.