Il n’est pas plus difficile de déguster trente ou quarante thés plutôt que deux ou trois. Au contraire : on va de l’un à l’autre rapidement, on recrache, on se concentre pour les comparer et, très vite, on sait celui que l’on préfère.
Il n’est pas plus difficile de déguster trente ou quarante thés plutôt que deux ou trois. Au contraire : on va de l’un à l’autre rapidement, on recrache, on se concentre pour les comparer et, très vite, on sait celui que l’on préfère.
Lorsque je pars visiter des plantations sri-lankaises, je commence par m’arrêter à Colombo le temps de goûter les thés qui sont proposés aux enchères les jours suivants. Cela me permet d’avoir une bonne connaissance de la qualité produite par chacun des domaines. Dans chacune de ces boîtes, quelques feuilles de thé et l’indication du numéro du lot.
L’avantage à photographier une vitre est que l’on peut superposer deux images : ici, la dégustation au set qui se prépare, ainsi que le paysage qui se reflète sur la paroi de verre. On peut jouer à associer ces deux vues, à les confondre. L‘esprit de la dégustation prend alors tout son sens : on va goûter le thé qui nous vient de la nature, au milieu du paysage qui l’a vu naître.
A Kolkata où il fait une chaleur de bête une bonne partie de l’année, on boit son thé brûlant. On le déguste au coin de la rue, devant une petite échoppe qui vous le sert le plus souvent dans une tasse en terre crue que l’on jette ensuite à terre. La tasse se brise au contact du trottoir, à la première pluie elle deviendra boue.
La première étape de la dégustation de thé consiste à observer la feuille. On en renverse un peu sur un support neutre comme une feuille de papier cartonnée, on examine la qualité de la cueillette, la couleur de feuilles, leur taille, leur régularité… On peut déjà se faire une bonne opinion de ce que l’on va déguster.
Les Darjeeling de printemps infusent entre 3’30 et 4 minutes. Le plus simple est de régler votre minuteur sur 3’45. Il faut être précis lorsque l’on prépare ce type de thé. Si l’on veut maintenir un bel équilibre entre le bouquet aromatique, la texture et la saveur, il faut stopper l’infusion à temps. Tout l’enjeu se résume à ceci : laisser aux arômes le temps de se développer mais contenir l’astringence et l’amertume à un degré de délicatesse où elles prolongent la perception des parfums, sans leur faire ombrage.
Les dégustations s’enchaînent en cette période de l’année. A partir de maintenant et durant plusieurs mois, je vais déguster plusieurs dizaines de thés chaque jour. Avec des pointes à cent ou cent cinquante thés. Mes dégustations se font à l’aveugle car il ne faut pas être influencé par la sympathie que l’on éprouve pour tel ou tel fermier. Le nom du jardin est donc caché afin que la sélection se fasse en premier lieu uniquement sur l’analyse sensorielle. Pour exprimer ma préférence, je vais faire ce geste que je partage avec de nombreux planteurs : en poussant la tasse du bout des doigts, de façon délicate, paume vers le ciel.
L’amertume est la seule saveur intelligente, me dit Olivier Roellinger, alors que nous dégustons ensemble différents thés et que je le préviens que certains darjeelings possèdent une pointe d’amertume.
Cette saveur là, au contraire du sucré, nécessite qu’on se l’approprie, qu’on l’apprivoise. Elle peut rebuter, mais quand on sait l’apprécier, quelle richesse, quel bonheur !
Et Olivier Roellinger de me parler de la fameuse gastronomie italienne, cuisine amère par excellence.
Trois plantations de thé produisaient à ce jour les thés du Népal qui méritaient à mon sens l’appellation de “Grand Cru”. Mais, depuis un an, il faut bien reconnaître que Guranse, Kuwapani et Jun Chiyabari ne sont plus seules à proposer des thés exceptionnels. Mist Valley et Sandakphu, toutes les deux situées dans la Vallée d’Ilam, arrivent à produire des lots d’une qualité gastronomique remarquable. Ce sont des thés à découvrir dans quelques jours et qui jouissent d’un excellent rapport qualité-prix.
La préparation du thé est une affaire de précision. On utilise une balance pour s’assurer du bon poids des feuilles de thé, d’une bouilloire graduée et parfois d’un thermomètre, d’un minuteur, enfin. Lorsque je suis dans une plantation de thé, j’aime prendre en photo les différents instruments de mesure que je rencontre, comme ici, au Népal.