Lorsque l’on déguste un thé on observe tout d’abord la feuille sèche, bien sûr. Puis on porte la liqueur à ses lèvres et on en analyse les saveurs, les arômes et la texture. Mais l’examen des qualités d’un thé comprend un autre geste, majeur, qui consiste à humer les feuilles humides qui viennent d’infuser. Pour cela on peut suivre l’exemple de Peter Orchard, manager de Kuwapani Tea Estate, qui plonge ici son nez dans les feuilles de thé encore tièdes. Peter me regarde mais il est ailleurs, profondément concentré sur l’odeur de l’infusion, odeur qui en dit long sur la qualité du lot dégusté.
Thé et gastronomie
Le thé chaud rafraîchit davantage que le thé froid
La chaleur s’installe en France, dirait-on. Lors de la période estivale, nombre d’entre vous manifestent des envies de thé glacé tout simplement parce qu’ils sont à la recherche d’une boisson rafraichissante. Mais ce qui est amusant c’est que dans les pays où il fait très chaud -en plein Sahara par exemple mais je pourrais vous citer un grand nombre d’autres régions du monde où l’on agit de même-, on apprécie de boire le thé chaud. En effet, on considère que le thé chaud va rafraîchir davantage que le thé froid. La raison en serait que plus la température du liquide que l’on boit approche de celle de la température du corps et moins cela va provoquer chez nous de choc thermique. Or c’est entre autres le choc thermique qui nous amènerait à transpirer.
L’engouement pour les boissons glacées nous est venu d’Outre-Atlantique et quand une mode en rapport avec la gastronomie nous vient de cette région-là du monde il n’est pas forcément interdit de s’interroger sur sa justesse. Ma suggestion pour les inconditionnels de l’ice tea : plutôt que les sodas trop sucrés à mon goût que l’on trouve dans le commerce on peut concocter soi-même de délicieux thés à consommer froid en les faisant infuser dans de l’eau à température ambiante.
Ou bien, comme mon but est de vous éclairer sur les différentes coutumes existantes et qui sont liées au thé, on peut également célébrer l’arrivée de la chaleur en dégustant un thé chaud agrémenté de feuilles de menthe comme ici sur les rives du Nil.
Dégustation de thé avec Dilan et Vidusha
La semaine dernière en compagnie de Dilan Wijeyesekera et Vidusha Wakista j’ai dégusté côte à côte des thés des régions de Dimbula, d’Uva et également de Nuwara Eliya.
Dilan et Vidusha travaillent pour la société Mabroc et nous fournissent certains de nos thés du Sri Lanka qui peuvent provenir soit de leurs propres plantations, soit des enchères de Colombo.
Nous avons discuté aussi des low growns, ces thés du sud du pays qui poussent à basse altitude mais dont la qualité n’a fait que grimper depuis des années. En effet, la plupart des plantations des low growns n’utilisent pas une machine que l’on appelle rotorvane, très répandue dans les high growns et qui respecte moins la feuille de thé que le procédé dit orthodoxe.
Préparer le thé nécessite de la minutie
Préparer le thé nécessite une certaine dose de minutie dès lors que l’on parle de dégustation professionnelle. Il est en effet indispensable que si l’on s’apprête à goûter plusieurs thés et à les comparer entre eux ils aient infusé dans des conditions rigoureusement identiques.
Alors ici le geste est précis, la température de l’eau, appropriée, les récipients sont nets et de même teinte. Dans chaque pot on a pris soin de déposer la même quantité de feuilles, au dixième de gramme près. L’infusion peut commencer, minutée, bien sûr.
De l’art de déguster le thé avec ou sans lait
A Amgoorie Tea Estate le thé est dégusté à la fois avec et sans lait. En effet, une partie de la production de cette plantation donne des thés particulièrement corsés, des thés appréciés par les consommateurs britanniques. Du coup, en éclaircissant chaque tasse d’un nuage de lait on se met tout simplement dans les conditions de dégustation du client.
L’usage du lait, s’il est un sacrilège dans les thés de grande qualité, se comprend pour les thés puissants. Il atténue en effet à la fois l’astringence et la sensation d’amertume.
Au Népal, le fromage sèche comme du linge sur un fil
J’étais au Népal il y a peu et en acceptant l’invitation qui m’était souvent faite de pénétrer à l’intérieur d’une maison, souvent d’une ferme, j’ai eu à maintes reprises l’occasion d’admirer au dessus de ma tête ces formes étranges qui pendent comme du linge sur un fil. De l’ampoule électrique ou bien de ces bâtons on se demande quelle présence est la plus incongrue.
Mais à quoi peuvent bien servir ces choses longues qui arborent une couleur de beurre frais ?
En réalité il s’agit de fromage et il sèche ainsi jusqu’à ce qu’il devienne aussi dur que de la pierre. A l’heure de le découper il ne faut pas moins d’une paire de tenaille pour arriver à ses fins. Quant à sa mastication elle n’est pas plus aisée : après avoir laissé ramollir pendant plusieurs dizaines de minutes dans la bouche ne serait-ce qu’un minuscule morceau il reste encore immangeable. Il faut une patience inouïe pour arriver jusqu’à pouvoir le mâcher et profiter ainsi de ses maigres arômes.
A Kolkata, on jette sa tasse après avoir bu son thé
Retour à Kolkata. Dans cette ville comme dans beaucoup de cités indiennes on boit du thé partout, et surtout dans la rue. Les échoppes sont légions et on y savoure son chaï debout ou bien à peine assis à une extrémité de l’unique banc de bois installé sur le trottoir. Dans ces échoppes le thé vous est servi le plus souvent dans des tasses en terre à peine cuite c’est-à-dire très poreuses. Lorsque l’on a fini de déguster, on jette sa tasse à terre et elle se brise. Au fur et à mesure de la journée, un petit monticule de tasses usagées prend ainsi forme.
A Kyoto, une boutique de thé dans un marché couvert
Voici à quoi ressemble une boutique de thé au Japon. Du moins à une boutique installée dans un marché couvert, comme ici au Nishiki Ichiba de Kyoto. Au premier plan des caisses de Hojicha et, à droite, justement, cette machine munie d’un conduit de cheminée n’est autre qu’une rôtissoire à Bancha. C’est avec cet engin que l’on produit du Hojicha. D’où ce délicieux parfum boisé et caramélisé qui se répand jusque sur les étals alentour.
Le raku : une technique pour fabriquer des bols à thé
Chaque ustensile nécessaire lors du Cha No Yu (cérémonie du thé au Japon) est issu d’un savoir-faire ancestral. Le raku est une technique classique que l’on utilise souvent pour donner vie au bol de la cérémonie de thé, que l’on appelle « chawan ». Cette technique consiste notamment à cuire un objet à basse température.
Ici, dans l’atelier de Hattori Koji-San, à Kyoto, j’observe le maître-potier façonner la terre d’une main habile et faire naître doucement les contours d’un bol à thé.
Dans chaque pays, on prépare le thé différemment
Au Japon, on pratique le Cha No Yu ou Voie du Thé, en Russie on se réunit autour du samovar, les Anglais ont leur « tea-time » et les Indiens le « chaï ». Quant aux Chinois, lorsqu’il s’agit de préparer de beaux thés, de rares Wu Long, par exemple, des Pu Er également, ils suivent les règles du Gong Fu Cha.
Gong Fu se dit d’une activité que l’on mène avec lenteur et maîtrise de soi.