A Hong-Kong, la danse du lion se pratique à l’occasion du Nouvel an et l’on peut alors dans diverses rues et centres commerciaux de l’île apercevoir l’animal bien escorté cueillir quelques fruits et légumes suspendus à la porte de chaque boutique. Le fauve attrape le bouquet et en recrache peu à peu la verdure tandis qu’il conserve par-devers lui l’enveloppe bien garnie destinée à la troupe de danse à laquelle il doit la vie. Pour le commerçant, une dépense qui ne se fait pas en pure perte puisque cette coutume a pour but de porter chance, et nul doute qu’après ce geste de bonne augure, ses affaires seront florissantes.
Chine
La face sombre du thé
En ces temps de manifestations et de débordements divers, à l’heure où les mots « blacks » et « darks » envahissent notre quotidien, je voudrais vous dire que le thé aussi comporte une face sombre. Les galettes de pu er, pour ne pas les nommer, sont constituées de thé fermenté, donc de thé sombre puisque c’est ainsi que les Chinois ont décidé de les distinguer, il y a de ça plus d’un millénaire. Sitôt étuvées, ces feuilles sont compressées en blocs lesquels épousent la forme d’une brique, d’une galette ou, plus bucolique, d’un nid d’oiseau. Ces thés compressés – que l’on pourrait désigner ici en anglais par l’appellation « dark blocs » -, se bonifient avec le temps. Au moment de les déguster, on les brise sur un côté et les feuilles s’émiettent. Ce sont elles que l’on infuse, de préférence dans un gaiwan et plusieurs fois de suite, jusqu’à ce qu’elles aient donné tout ce qu’elles avaient à nous rendre.
Le choix de la sécurité
Il y a seulement quelques jours, Léo et moi, avons eu la joie de déguster un échantillon d’un sublime cru venu du sud-ouest de la Chine, l’un de ces fameux « bourgeons de Yunnan » qui connaît auprès des amateurs un franc succès.
Je partage ici avec vous le déroulé des étapes qui suivent celle de la sélection d’un lot.
Aussitôt après avoir estimé la quantité nécessaire, nous passons commande. S’agissant d’un thé produit en volume restreint, il va voyager par air et à peine touchera-t-il le sol français qu’un prélèvement sera effectué et envoyé dans un laboratoire indépendant. La politique volontariste et unique de Palais des Thés conduit à ce que tout thé qui n’est pas certifié « agriculture biologique » soit testé. Plus de cent molécules différentes sont ainsi recherchées afin de s’assurer de la conformité du lot avec les normes européennes, reconnues comme les plus strictes au monde. Et c’est seulement une fois cet examen passé avec succès que ce thé sera réparti entre les boutiques. Il faut compter en moyenne entre 4 et 6 semaines entre le moment où l’on déguste le thé et sa disponibilité en boutique. Un long délai que Palais des Thés, qui se veut mieux-disant en matière de sécurité alimentaire, fait le choix de s’imposer pour la santé de tous.
378.000 euros le kilo
La question m’est souvent posée de savoir quel prix un thé peut atteindre. La réponse se trouve cette semaine sur le site de vente aux enchères de la maison Sotheby’s. Y sont proposés un lot de rares thés sombres dont le plus ancien remonte au début du XXème siècle. En effet, les thés de cette famille, lorsqu’ils ont été compressés en galette et bien conservés, ont la réputation de se bonifier avec le temps. Sur le site de la fameuse maison, l’un d’entre eux est estimé à pas moins de 900.000 dollars de Hong Kong la galette de 270 grammes, ce qui nous fait tout de même 378.148 euros le kilo. Si vous êtes intéressé, il faudra ajouter les frais de transport et vous dépêcher, les enchères prennent fin le 16 décembre.
Bonne nouvelle, un thé de cette qualité se laisse infuser plusieurs fois.
Pour tous les goûts
Les mentalités évoluent et je m’en réjouis. Aux premières heures de Palais des Thés, les thés de Chine suscitaient une opinion très tranchée de la part des clients. Certains les adoraient, d’autres les détestaient au prétexte que tous les thés de Chine étaient plus ou moins fumés. Il régnait une grande méconnaissance à leur propos. Trente ans plus tard, quel plaisir de constater que les clichés ont à peu près disparu. Non seulement il est communément admis que tous les thés de Chine ne sont pas fumés, mais il existe aujourd’hui un fort engouement pour les thés verts, blancs, bleu-vert, jaunes, sombres ou noirs, en provenance du pays qui a vu naître le thé.
Une balade en forêt
En cette période de confinement, on se laisse un peu aller parfois quant à son hygiène de vie, on pratique moins de sport, bref, on prend du poids. N’est-ce pas le bon moment pour se mettre au thé ? Parmi les mille vertus dont la pharmacopée chinoise pare notre fameux Camellia sinensis, celle de brûler les graisses. Cette qualité remarquable vaudrait notamment pour les thés sombres que l’on nomme pu erh, des thés aux notes puissantes de sous-bois et d’humus. À défaut de balade en forêt vous en aurez, dans votre tasse, en plus de ces présupposés bénéfices, tous les parfums.
La saison des thés sombres
La période des fêtes et la saison hivernale constituent un moment idéal pour partir à la découverte des thés sombres. Il s’agit de thés fermentés. Les plus célèbres d’entre eux, originaires du Yunnan, se nomment pu erh. Ils peuvent se présenter en vrac ou bien sous la forme de feuilles compressées en galettes (photo). Les thés sombres subissent un vieillissement lent (sheng) ou bien un vieillissement accéléré (shu). Ils se préparent soit en théière, soit en gaiwan (méthode gong fu). Ils diffusent des notes aromatiques puissantes de bois, de sous-bois, d’épices, de terre humide ainsi que des notes plus animales. Et si on ajoute que ces thés sombres sont réputés en Chine pour venir corriger les excès de table, vous comprendrez aisément pourquoi cette saison se prête si bien à leur découverte.
Thé au jasmin, des écarts de qualité
En Chine, les thés au jasmin les plus réputés proviennent de la région du Fujian (photo). Ils sont faits à partir des plus beaux thés verts de la province, récoltés en avril. Les fleurs de jasmin quant à elles sont prélevées entre juillet et début septembre. Mais si l’on s’en tient aux volumes uniquement et non plus à la qualité, la principale province productrice est le Guangxi. Dans cette région, le thé vert qui sert de base au thé au jasmin est de moindre qualité et le jasmin y fleurit de début mai à fin septembre, d’où cette importante production, double ou triple de celle du Fujian.
Monsieur Huang, un travailleur déplacé
Monsieur Huang fait partie de ces millions de travailleurs chinois qui décident de quitter leur province d’origine pour gagner leur vie. Il est en effet beaucoup plus facile de trouver du travail dans les provinces côtières, assez riches, que dans celles situées à l’intérieur du pays. Ainsi, chaque année, Monsieur Huang quitte-t-il son Guizhou natal où il cultive un potager dans un village de montagne, pour rejoindre les monts Wuyi, dans le Fujian. En effet, depuis que leur niveau de vie s’est très fortement élevé, les habitants du Fujian rechignent à œuvrer dans les champs et préfèrent vivre en ville. Monsieur Huang travaille à la culture du thé dans une magnifique plantation certifiée organique. Il prendra soin des théiers et participera à la récolte à partir de début mars jusqu’à la fin de septembre, date à laquelle il repartira dans sa province rejoindre sa famille. Et chaque année il recommence sans hésitation, pour un salaire mensuel de 5.500 yuans.
Rares thés fumés
Le thé fumé ou Lapsang Souchong est une spécialité du Fujian, c’est un thé peu apprécié des Chinois donc réservé à l’export. Les normes européennes s’étant renforcées il y a plusieurs années à propos de tout ce qui concerne les risques alimentaires, il est aujourd’hui très difficile de trouver un thé fumé conforme à ces normes, non pas en raison de pesticides particuliers mais en raison d’une molécule qui apparaît naturellement en cours de fumage et qui se nomme anthraquinone. Depuis plusieurs années, j’encourage de nombreux fermiers à modifier les techniques de fumage afin de produire un thé fumé autorisé : un travail de longue haleine mais qui parfois porte ses fruits.