Lorsque les Anglais se sont occupés de thé ils ont créé de vastes domaines et organisé en conséquence les moyens de manufacturer des quantités importantes de feuilles. Au sein de chacun de ces domaines ils ont bâti pour le planteur une maison plus ou moins vaste que l’on nomme un bungalow. Ainsi, en Inde comme au Sri Lanka, par exemple, on trouve encore de nos jours ces bâtiments typiques de l’ère British. Il m’arrive souvent d’y résider, à l’invitation du planteur, comme ici à Amgoorie (Inde) qui, de l’avis de tous, figure parmi les plus beaux bungalows.
Inde
La vermiculture : une pratique très répandue
Nul besoin d’excrément de panda pour se lancer dans la production de thé répondant aux normes de l’agriculture biologique. Dans mon dernier billet il était question de ces sympathiques mammifères en raison du projet assez médiatique d’un industriel chinois. Mais la vermiculture, quant à elle, existe depuis longtemps et se pratique dans de nombreuses plantations de thé. En quoi consiste-t-elle ? On va tout simplement organiser un élevage de vers de terre et les nourrir d’une mixture, mélange de bouse de vache et de feuilles passées au hachoir (photo). Quelques semaines plus tard, on collecte les déjections des vers de terre et on les répand dans les sols. Grâce à cet apport particulièrement riche on élimine l’usage des engrais. Par ailleurs, au milieu des déjections ainsi répandues vont se trouver des œufs qui donneront eux-mêmes des vers. Une fois adultes ces vers vont aider à l’aération des sols et à leur bonne irrigation. En plus de creuser des tunnels les vers se nourrissent des feuilles tombées à terre et aident ainsi à leur bonne transformation.
Les vers de terre représentent pour les sols une richesse inépuisable.
Un thé cultivé avec des déjections de panda
Il existe de par le monde un grand nombre de plantations de thé biologiques, comme ici, en Inde du Sud. A ce jour l’empire du Milieu en compte assez peu mais un chef d’entreprise chinois en mal de notoriété vient d’annoncer à grand renfort de presse qu’il venait d’acquérir pas moins de onze tonnes d’excréments de panda et se préparait à lancer le thé le plus cher du monde. Diable ! Le temps d’un week-end, l’information relayée par les plus grandes agences de presse a fait le tour du monde. Elle est même parvenue aux oreilles de Philippe Bouvard, mètre-étalon de l’humour gaulois, qui m‘a appelé aussitôt pour que j’intervienne lors de son émission « Les Grosses Têtes ».
De mon côté, cultiver du thé grâce à des déjections animales je trouve cela tout à fait normal. J’ai visité nombre de plantations dans lesquelles est pratiquée ce que l’on appelle la vermiculture, une technique que je me propose de vous détailler dans mon prochain billet.
L’agriculture biologique permet d’éviter les engrais chimiques et je n’y trouve pas matière à me tordre. En revanche, si cet entrepreneur Chinois à réellement l’ambition de commercialiser le thé le plus cher du monde il lui faudra un peu plus que ces onze tonnes d’engrais. Il lui faudra acquérir un savoir-faire. C’est moins drôle et c’est plus long.
Plus qu’une boisson, le thé est un art de vivre
A force de récolter ses feuilles et ainsi de le contrarier, le théier gagne en robustesse. Son tronc s’épaissit, de nouvelles branches apparaissent tandis que l’arbuste est maintenu à environ un mètre du sol. Ce que l’on nomme alors la table de cueillette se trouve composée d’un nombre de rameaux si dense que vous pouvez vous étendre dessus sans la moindre difficulté.
Ce n’est pas à vous qui me faites la gentillesse de m’accompagner dans mes pérégrinations à longueur d’année que je vais apprendre combien on gagne en sérénité à savoir trouver, chaque jour, le temps du thé. Mais peut-être ne saviez-vous pas, après tout, que l’on pouvait piquer un roupillon immergé dans les théiers et, à l’heure de la sieste, trouver le bien-être en usant du thé de cette façon ?
Le thé ne constitue pas seulement une boisson mais bien davantage un art de vivre. Ma source de bien-être. Pour 2012 je nous souhaite de réussir à puiser dans le thé toute la détente et la sérénité dont nous avons besoin. Ensemble, vivons le thé !
A tous mes lecteurs, je souhaite un bon réveillon
Lorsque je quitte Darjeeling en octobre dernier cela ne semble pas attrister le moins du monde ces écoliers facétieux qui font les pitres lorsque je les prends en photo. Cette image de gamins joyeux traduit assez bien mes sentiments au moment de finir l’année en beauté et vous souhaiter un bon réveillon.
Je n’ai pas plus de regrets à laisser partir 2011 que ces bambins à me laisser rejoindre la vallée. Et j’accueillerai 2012 avec belle humeur, la même que celle qu’ils me manifesteront à mon retour.
Il me reste à choisir maintenant sur quel thé finir l’année. Après mon dîner de réveillon je crois que je servirai à mes invités un thé à la menthe, à la fois réputé pour ses vertus digestives et symbole d’hospitalité.
A l’année prochaine !
Un peu de chaleur pour clôturer l’année 2011
Pour cheminer ensemble vers la fin de l’année 2011 je vous propose cette photo de deux cueilleuses de thé de la région d’Assam qui reviennent de leur travail et marchent vers leur village. La vue de ces femmes qui se protègent des rayons du soleil sous un joli parasol donne, je trouve, un peu de chaleur dans la grisaille de l’hiver. En effet, en cette saison les couleurs vives sont absentes de Paris. Hormis les inévitables pères Noël sur les trottoirs des grands magasins, les rouges font défaut. Et puis se dire qu’ailleurs sur Terre on prend garde à se protéger du soleil m’amuse, tandis que chez nous le moindre rayon nous fait fermer les yeux et ronronner comme des chats.
Le rouge, c’est aussi la couleur de certains piments, une occasion de dire à ceux qui ne les ont jamais goûtés que les thés d’Assam développent de subtiles notes de tabac, de miel mais également… d’épices.
Une hotte de Noël remplie de feuilles de thé
Je sens bien qu’en ce moment tout le monde se réjouit de l’arrivée prochaine d’un personnage habillé de rouge et portant une hotte dans le dos remplie de choses merveilleuses. Comme je vous comprends ! Cette cueilleuse tout de rouge vêtue et portant tablier prélève avec beaucoup de soin les plus fines feuilles du théier. Elle les dépose ensuite dans sa hotte.
Si vous apercevez ses délicates chevilles suspendues dans votre cheminée, accueillez-là comme il se doit et faites chauffer la bouilloire : c’est l’heure de faire honneur au contenu de la fameuse hotte, c’est l’heure du thé !
Un bon thé se déguste comme un bon vin
Le thé se déguste un peu comme le vin. Une fois le liquide en bouche on va le faire tourner doucement. Puis l’on pratique ce que l’on appelle la rétro-olfaction : on expire l’oxygène par le nez afin de créer une sorte d’appel d’air et envoyer les arômes vers notre bulbe olfactif. La tête un peu baissée, les joues creusées, on inspire par la bouche à plusieurs reprises tout en conservant le liquide autour de la langue et, en expirant cet air par le nez, nous poussons au maximum nos capacités olfactives.
Cette façon de faire nous permet d’être davantage performants pour apprécier un thé. Et devient nécessaire lorsqu’il s’agit, par exemple, d’en définir le profil aromatique.
Ici à l’œuvre, en compagnie de l’un de ses assistants, mon ami Anil Jha dont les Turzum et autres Sungma ont atteint une grande réputation.
Un air de Noël dans les champs de thé
Pour illustrer cette période de Noël, j’ai cherché parmi mes photos celles qui pourraient évoquer la saison : une association de vert et de rouge, par exemple, qui rappelle les branchages du houx et de ses baies rouges.
Du vert, je vous en montre à longueur d’année, champs de thé obligent, mais le rouge, c’est tout de suite beaucoup plus rare.
En cherchant bien, sur ce petit chemin qui serpente du côté de Teesta Bazar (Inde), vous remarquerez trois cueilleuses sous leurs ombrelles rouges. Elles sont comme vous, elles viennent de faire leurs emplettes et rentrent chez elles en devisant entre copines.
Les premiers Darjeeling d’automne arrivent
J’ai acheté il y a quelques jours un très beau Singbulli d’automne et je viens de confirmer ce matin l’achat d’un Rohini récolté également en novembre. La totalité du premier lot ne représente que 70 kilos, à peine davantage pour le second, ils arriveront en France courant décembre.
Amateurs de grands crus indiens, il faut bien que vous gardiez à l’esprit que les thés de Darjeeling produits en mars, en juin ou bien à l’automne, n’ont qu’un lointain rapport entre eux. La raison en est que cette montagne que vous voyez ici, le Kanchenjunga (8 586 m), créé un fort contraste avec les conditions climatiques de la plaine du sous-continent. Darjeeling figure parmi les lieux de production du thé où les variations climatiques sont les plus élevées.
Ainsi, selon les saisons, le vent du sud va apporter dans ces montagnes un peu de la chaleur étouffante de la plaine. Au contraire, à l’approche de l’hiver, la présence des sommets se fait sentir, le ciel devient limpide, le froid gagne. Et les théiers se mettent à pousser avec de plus en plus de lenteur ce qui explique, là encore, les variations d’arômes.