Il faut bien reconnaître que l’urbanisation de la ville de Darjeeling s’est faite un peu rapidement et de façon pas tout à fait maitrisée. Il en découle du bruit, des embouteillages, une pénurie d’eau, une gestion des déchets peu enviable. Mais quelques mètres plus loin la nature reprend ses droits et les paysages sont d’une beauté à couper le souffle. Ici, je regarde vers l’ouest, ces plis de montagnes successifs forment ce que l’on appelle les contreforts himalayens. Ce n’est pas encore la haute montagne, quoique, regardez bien entre les nuages, si vous êtes observateur vous avez déjà remarqué ce sommet magnifique, il s’agit, Mesdames et Messieurs, du troisième sommet le plus haut du monde, j’ai nommé le Kanchenjunga !
Inde
Darjeeling ou « le Pays des Orages »
L’appellation « Darjeeling » désigne des plantations de thé qui s’étirent sur des milliers d’hectares ainsi que cette ville que voici et d’où je vous écris aujourd’hui, importante bourgade de plusieurs centaines de milliers d’habitants : un village à l’échelle de l’Inde. Située à 2100 mètres d’altitude vous pouvez la contempler ici sous un ciel assez clément quand on sait qu’en tibétain « Dorje Ling » signifie « le Pays des Orages ». La ville n’est que pente et lorsque l’on s’y promène, on passe plus de temps à grimper les escaliers étroits qui se faufilent entre les maisons qu’à marcher dans les rues inclinées. Tout autour de la ville ce n’est que thé, au point que l’on ne sait plus où construire les maisons pourtant nécessaires pour loger une population en forte augmentation.
A Tumsong Tea Estate : un merveilleux bungalow
Dans quelques jours je pars pour Darjeeling, un long voyage, des heures d’avion puis de 4×4. Mais des heures qui passent comme une lettre à la poste tant je suis heureux de retrouver ces montagnes. Une fois par an j’emmène différents responsables du Palais des Thés et cette année m’accompagneront Fabienne, responsable du Palais des Thés de Lille, Stéphanie, de Grenoble, Maud, de la rue Vieille-du-Temple, entre autres. Je vous les présenterai bientôt.
Nous séjournerons d’abord à Tumsong Tea Estate, l’une des plantations de thé certifiées « bio » de Darjeeling qui dispose d’un cottage (photo) so British ! Un bonheur que d’habiter une maison pareille, nichée au milieu des montagnes et d’un confort exquis. Surtout que Rajiv Gupta, le manager de la plantation, a l’œil sur tout : votre bien-être lui importe tant. Ensemble nous visiterons son domaine, depuis la factory jusqu’à la nursery, et sans oublier la rivière au bord de laquelle il est si bon de pique-niquer.
Les cottages comme celui-ci, très anglais, sont répandus à Darjeeling : dans chaque plantation le manager dispose d’un bâtiment assez semblable, de taille simplement inégale et de style éventuellement différent. A Tumsong, si le cœur vous en dit, vous pouvez aisément séjourner puisque contrairement à la plupart des plantations on accueille ici les touristes que le thé intéresse, pour une ou plusieurs nuits (www.chiabari.com).
Dans le cadre de l’Ecole du Thé, nous réfléchissons par ailleurs à y organiser des cours. Avis aux amateurs !
A Barnesbeg, comme ailleurs, je prends le temps du thé
Une fois le thé infusé il faut patienter un peu avant de le déguster. Je saisis cette occasion pour sentir les feuilles humides et aussi pour regarder cette belle lumière du nord qui inonde la salle de dégustation. Tandis que dans la tasse la température baisse doucement, passant de la température d’infusion (environ 85 – 90 degrés pour un thé noir) à la température de dégustation (environ 50 degrés), je sors mon appareil-photo et tourne autour des tasses à la recherche du meilleur angle. Rien ne presse, ici, à Barnesbeg (Inde), la vie s’écoule à un rythme lent. Je photographie les sets à déguster pour le plaisir de capter un reflet ou bien une couleur, une ombre ou bien une ride qui parcourt la surface de la tasse. Et mes pensées voguent aussi, telle une onde qui voyage.
Cela s’appelle prendre son temps. Le temps du thé, tout simplement.
Les plantations de thé forment de petits villages
Certaines plantations de thé organisées par les Anglais sont si vastes que plusieurs milliers de personnes peuvent y vivre, disséminées un peu partout sur plusieurs centaines d’hectares. Dans le sud de l’Inde, comme ici à Thiashola, on a construit des corps de bâtiments qui regroupent une à trois familles. Ces maisons forment entre elles de petits villages où la vie sociale est importante. Si les constructions appartiennent à la plantation, elles sont en revanche mises à la disposition d’une même famille aussi longtemps que ses membres travaillent sur place. La plupart des maisons sont ainsi transmises de génération en génération.
Un beau paysage ne fait pas forcément un bon thé
Un beau paysage ne fait pas forcément un bon thé. Lorsque je viens de Bagdogra (Inde) et que je m’apprête à grimper pendant trois bonnes heures à l’assaut de ces contreforts himalayens, rien ne me plait autant que de m’arrêter sitôt l’étouffante Siliguri dépassée. Le terrain n’est plus tout à fait plat, la ville a disparu, la circulation s’est calmée et les klaxons aussi. Des chèvres roupillent sur la chaussée. On commence à voir loin, par-dessus les arbres, et cela aide à supporter la chaleur; on étouffe moins devant un horizon qui se dégage. Un peu de brise, des odeurs de terre, immanquablement je m’arrête et marche entre les théiers.
Ce sont de vilains théiers, à vrai dire, ils se prétendent parfois Darjeeling alors qu’ils ne le sont guère, juste un peu à l’écart de l’appellation d’origine, mais suffisamment proches pour que des négociants peu scrupuleux les mélangent au vrai et trompent l’acheteur. C’est ainsi qu’il se vend quatre fois plus de Darjeeling dans le monde qu’il n’en est réellement produit.
Mais peu importe ici puisque c’est le paysage qu’il s’agit de contempler. Et il est magnifique. Cette plaine du Teraï m’attire, cette ancienne jungle déboisée par les Anglais. On dit que quelques éléphants sauvages déboulent ici parfois, des léopards y ont leurs habitudes. Et moi je m’y sens bien, avant de repartir pour Darjeeling, je marche, je marche. Quand devant vous c’est si beau, pourquoi donc se presser ?
En route pour l’école à Kurseong
Bientôt la rentrée ! A Kurseong (Inde), ces collégiens sautent en marche dans le Toy Train et se tiennent à l’extérieur, non pas parce que le train est bondé, mais simplement parce que c’est tout de même plus amusant de faire le trajet la tête au vent.
On rigole, on dit bonjour aux passants que l’on connait lorsque le train traverse un village : une manière agréable de se rendre en cours.
Cueilleuses de thé dans la brume de Badamtam
En plein été un peu de fraicheur est toujours la bienvenue. Voici justement une brume rafraichissante qui nous vient des contreforts de l’Himalaya. Là-bas, on est tellement habitué à vivre dans les nuages que cette humidité fait partie de la vie, on n’y prête même plus attention. Notez bien que ce n’est pas désagréable et il suffit de regarder le visage de ces cueilleuses de thé pour se rendre compte que cela n’a pas l’air de les d’attrister le moins du monde. L’ambiance est plutôt à la rigolade. Cela se passe à Badamtam, une splendide plantation qui se situe au nord de Darjeeling et fait face au Sikkim.
Petit détail : remarquez-vous ce parapluie rangé dans leur hotte ? Eh bien, c’est plutôt quand il fait beau que l’on s’en sert, ici, pour se préserver du soleil et garder un joli teint.
Il faut avoir du nez pour choisir un thé
Lorsque l’on goûte du thé, on commence d’abord par le sentir. Il s’agit d’une phase très importante de la dégustation. Observer la feuille infusée puis la respirer vous donne une foule d’informations sur le thé. Cela vous permet, par exemple, de déceler assez facilement un éventuel défaut : un excès de séchage, par exemple, une oxydation peut-être trop longue dans le cas d’un thé noir, ou bien une fermentation inappropriée. Il vous permet évidemment aussi de déceler les qualités du thé, de deviner les différents parfums que vous allez peut-être retrouver dans la tasse de façon plus ou moins semblable.
C’est seulement après avoir longuement senti la feuille infusée (que l’on appelle « l’infusion », dans le jargon), que l’on va goûter à la liqueur elle-même.
Ici, à Badamtam (Darjeeling), Binod Gurung a fermé les yeux. Il a plongé son nez dans ses feuilles humides et tièdes. Il hume, analyse, le tout dans une totale concentration.
Une joyeuse cueilleuse de thé à l’allure de missionnaire
Dans la plaine du Teraï (région à cheval sur le Népal et l’Inde), j’ai vu que l’on utilise d’étranges croix pour définir la hauteur des théiers. La croix prend appui sur le sol et l’on ne récolte que ce qui est au-dessus de son élément horizontal. Cela donne à cette joyeuse cueilleuse une allure de missionnaire du thé.