A l’heure où tout le monde parle de piqûre, je voudrais vous donner le point de vue du théier. Dans certaines parties du monde, à Taiwan et à Darjeeling, notamment, un insecte qui se nomme le paoli (Jacobiasca formosana) vient piquer la feuille du camellia sinensis. La réaction à cette piqûre ne se fait pas attendre et développe, en tasse, une puissance aromatique rare et très recherchée. On retrouve ce bouquet olfactif dans un Oriental Beauty, par exemple, ou bien un Darjeeling Muscatel. Les fermiers de ces régions protègent du mieux qu’ils peuvent l’insecte afin de s’assurer que la piqûre aura bien lieu.
Inde
Assurance tout risque
Si les divinités indiennes pouvaient nous être d’un quelconque secours dans cette lutte contre la Covid19, je les implorerais sans hésiter et à titre d’offrande je déposerais à leur pied leur poids en thé. En Inde, pays où les dieux sont légions, la religion est partout et jusque sur le camion que le routier peint aux couleurs de celui sous la protection duquel il se place. Une assurance transport bien utile dans un pays où les règles de circulation, si elles existent, ne sont pas toujours partagées.
Délabré
Si je choisis cette photo aujourd’hui, ça n’est pas pour illustrer les difficultés dramatiques que rencontrent les hôtels du fait du Covid 19 et de l’arrêt du tourisme, mais pour le bonheur de vous emmener dans les rues de Kolkata, une ville assez délabrée, certes, mais qui ne m’en est pas moins chère. Elle s’est développée entre autre grâce au thé. Kolkata, c’est un port, et de nos jours encore les entreprises de thé y ont leur siège. On y trouve les plus importantes enchères du pays et depuis les quais de l’ancienne capitale de l’Inde sont embarquées tous les thés d’Assam, des plaines du nord et de Darjeeling.
La vallée de Kangra
Aujourd’hui, je vous emmène dans la vallée de Kangra, aux confins de l’Etat du Pendjab et de celui du Cachemire, en Inde. Une région où les plantations de thé ont été organisées par les Anglais dans la seconde moitié du XIXe siècle.
En 1905, un terrible tremblement de terre ravagea les domaines et nos amis British abandonnèrent la production de peur qu’à nouveau, la terre ne s’ouvre en deux. Plus d’un siècle plus tard, les mêmes plantations se portent à merveille, on y récolte un thé dont la qualité s’est nettement améliorée avec les années, et aucun tremblement de terre majeur n’y a été ressenti depuis.
Je vous emmène à Kolkata
Rien de tel pour se déconfiner en douceur que de voyager depuis son fauteuil. Je vous emmène aujourd’hui à Kolkata, ville du thé par excellence. Le soir, le long du bras du Gange qui se nomme le Hooghly, des Bengalais viennent faire leurs ablutions et plonger dans les eaux sacrées tandis que d’autres attendent le passeur qui les conduira sur la rive opposée de ce fleuve majestueux qui inonde de joie cette ville tentaculaire.
A Darjeeling, une situation très difficile
Une région m’inspire une inquiétude particulière en ces temps de pandémie, il s’agit de Darjeeling. Au mois de mars dernier, pour le début des récoltes, j’étais sur place. J’ai pu constater que la situation sociale n’était pas bonne. Un certain nombre de plantations n’avaient pas versé leur salaire aux cueilleuses et celles-ci demandaient naturellement comme préalable au fait de reprendre leur activité, le paiement de l’arriéré. Devant le refus des plantations concernées qui justifiaient le non-paiement en arguant du fait qu’elles perdaient de l’argent et n’étaient pas à même de procéder à ces paiements, dans un nombre significatif de jardins, les feuilles de thé n’étaient plus récoltées.
Difficile de savoir précisément quelles sont les plantations qui sont rentables à Darjeeling et lesquelles ne le sont pas. Depuis des années, c’est un sujet qui revient. Beaucoup de planteurs s’accordent sur le fait qu’il est ici très difficile de ne pas perdre d’argent, malgré les bas salaires et malgré les prix de vente élevés du thé. Sachant que le printemps est justement la saison où se rencontrent les prix les plus hauts, le confinement que nous connaissons et qui se pratique aussi en Inde risque fort d’avoir comme conséquence la fermeture d’un certain nombre de jardins.
Au grand air
Les cueilleuses de thé ont moins que d’autres à craindre du coronavirus. Elles se rendent à pied à leur travail, elles se déplacent en file indienne, elles travaillent à bonne distance l’une de l’autre et au grand air, s’il vous plaît. Malheureusement, cela ne suffit pas dans un pays de plus d’un milliard d’habitants, et voilà maintenant toute la population indienne confinée. Pourvu que ce fléau qui nous prive de leurs délicieux thés ait la bonne idée de prendre ses cliques et ses claques et de retourner là d’où il vient, sous les écailles d’un pangolin.
Y a d’la joie !
Depuis près de vingt ans on n’avait pas vu ça à Darjeeling : un hiver pluvieux. Depuis près de vingt ans, les planteurs ne cessent de se plaindre de la sécheresse qui sévit en janvier, en février ou bien les deux à la fois. En 2017, comble de malchance, pas une seule goutte d’eau n’était tombée entre octobre et mars. En 2020, enfin, la région a subi de magnifiques précipitations durant tout l’hiver. Mais l’eau ne fait pas tout. Pour que les feuilles du théier poussent, il leur faut aussi de la chaleur. Or cette année, voilà qu’il fait trop froid pour que les feuilles se développent.
En attendant que la terre se réchauffe, on déguste à nouveau les thés de l’an dernier pour se les remémorer ainsi que les rarissimes lots de basse altitude tout juste produits en quantité minuscule. Et du côté des cueilleuses, on se fait une joie de chanter.
En attendant l’Inde du Nord, découvrez l’Inde du Sud
Chaque année vous êtes nombreux à attendre de pied ferme les premières récoltes de printemps, en provenance de Darjeeling. Mais comme vous le savez peut-être, les premiers thés de Darjeeling ne sont pas les meilleurs et il est préférable de ne pas se précipiter.
Cela tombe bien, je viens de sélectionner au Tamil Nadu un Kotagiri Frost assez exceptionnel. Si l’Inde du Sud produit du thé en quantité monumentale, la qualité est rarement au rendez-vous. Pourtant, en cherchant bien, on trouve de petites plantations capables de manufacturer, à certaines périodes de l’année, des thés remarquables. Tel est le cas de ce Kotagiri Frost qui sera disponible sous quinze jours et que je vous invite à déguster le temps que les brumes de l’hiver se dissipent du côté de l’Himalaya et offrent au tendres pousses la liberté de grandir.
Une question d’altitude
À Darjeeling, la récolte va bientôt commencer. Heureusement, la cueillette s’y effectue encore à la main. Ce sont les parcelles situées à basse altitude sur lesquelles on récolte en premier lieu et ce, pour une raison simple : les théiers ont bénéficié d’une température plus élevée et le bourgeon terminal a donc poussé plus rapidement. Sur cette photo, on comprend que l’on se trouve en fond de vallée du fait de la pente peu accentuée et de la densité du couvert qui préserve les arbustes d’un excès de soleil.