La différence de climat entre le nord et le sud du Japon et la plus ou moins grande précocité des cultivars de ce pays ont pour conséquence un écart important dans la disponibilité des premiers lots printaniers. Traditionnellement, les fameux Ichibancha japonais sont cueillis et manufacturés chaque année au début du mois de mai. Le réchauffement climatique, d’une part, le choix de nouveaux cultivars par les fermiers du pays qui ne se contentent plus du seul Yabukita, d’autre part, fait que l’on observe davantage de précocité dans les récoltes. Par exemple, le Shoju de Monsieur Matsushita, produit à partir d’un théier hâtif dans l’île de Tanegashima, au sud de l’archipel, est d’ores et déjà disponible. Il est à la fois floral, végétal, iodé. Un avant-goût des grands espaces… Un vrai enchantement.
Japon
Quel thé pour un buveur de café ?
Vous vous êtes sûrement demandé un jour quel thé faire déguster à un buveur de café récalcitrant. En effet, certains considèrent qu’en-dehors de leur petit noir il n’existe point de salut. Dans un cas semblable et par expérience, je vous conseille des thés aux notes pyrogénées (c’est-à-dire grillées ou encore torréfiées). Ces composés aromatiques sont très présents dans trois fameux thés japonais qui sont le Bancha Hojicha, le Shiraore Kuki Hojicha et enfin le Genmaicha. Trois thés très abordables et très faciles à apprécier qui constituent, du fait de leur parfum de torréfaction, la passerelle idéale pour aller du café vers le thé.
Prendre le large
En temps normal, la période estivale offre une belle occasion de prendre le large. Mais cette année, je doute que vous ayez la chance de découvrir de lointains paysages. La magnifique baie de Kagoshima, par exemple. L’un des plus célèbres volcans japonais la domine. Il a pour nom Sakurajima. En activité, il crache trois à quatre fois par jour de somptueuses volutes blanches et ces fumerolles s’étirent dans le ciel de cet extrême sud du Japon que les amateurs de thé connaissent bien. Les gyokuros sont ici fameux et c’est dans un sol fait de lave que les théiers enfouissent leurs profondes racines.
Des théiers en hiver
Voici à quoi ressemble un jardin de thé japonais en hiver. Sur fond de volcans, des alignements de théiers taillés de frais attendent le printemps pour sortir de leur période de dormance. Ils roupillent sous l’œil bienveillant de ventilateurs prêts à chasser d’éventuels brouillards givrants.
À Kumamoto, le jardin Suizen-ji
Lorsque je suis au Japon, à la moindre occasion je visite des jardins. Ce sont des lieux d’une beauté incroyable. Des lieux de paix, des lieux de silence dans lesquels d’invisibles jardiniers habités par un sens aigu de la perfection taillent aux ciseaux la plus petite pousse. Ils sculptent le vivant de façon à donner au tout le spectacle d’un paysage grandeur nature. D’un simple monticule on symbolise le Mont-Fuji.
J’y viens souvent avec un livre et j’alterne entre lecture et contemplation. Un peu l’idée que je me fais du paradis.
Des récoltes mécaniques d’une haute précision
Le thé se récolte à la main, dans la plupart des pays qui en produisent. Le Japon figure comme une exception et le coût élevé de la main d’œuvre en est la principale explication. La sophistication des outils utilisés par les fermiers de ce pays leur permet de procéder à des récoltes mécaniques d’une grande précision. Seules les jeunes pousses seront prélevées et un tri draconien sera ensuite effectué, en usine, grâce à des machines équipées d’yeux électroniques.
La première récolte est la meilleure
Depuis les tout premiers jours de mai, je déguste et sélectionne, en provenance du Japon, les meilleurs thés de la saison. On les nomme Ichibancha puisqu’ils sont issus de la première récolte de l’année. Les thés japonais proviennent de la région de Shizuoka, d’Uji, ou encore du sud de l’archipel. Alors que dans le nord du pays, le théier omniprésent se nomme le Yabukita, dans le sud, du fait d’un climat plus chaud, sa proportion y est moindre. Par exemple, ici, autour de Kagoshima, le cultivar Yutaka Midori domine et représente près de 60% de la production.
Un volcan dans le paysage
Sur l’île de Kyushu, au Japon, il n’est pas rare de découvrir un volcan dans son champ de vision et le photographe que je suis s’en réjouit : le relief de ces géants de lave vient souligner l’horizontalité maîtrisée des théiers. Il dérange un paysage un peu trop ordonné. Il rappelle aussi que le temps des récoltes, le temps des saisons, le temps de la vie humaine, tout simplement, est infime. Ici le Mont Kaimon dont la silhouette rappelle celle du Mont Fuji.
Des champs de thé hérissés de ventilateurs
Jusqu’à l’extrême sud du Japon on retrouve ces paysages de champs de thé. Ils sont reconnaissables entre autres du fait qu’ils sont hérissés de ventilateurs susceptibles d’éviter à un air trop froid de stagner au niveau des théiers. Ici, je suis proche de la baie de Kagoshima que l’on peut voir au second plan, une région importante pour la production de thé de l’archipel.
Yorozu, à Fukuoka, un moment unique
La ville japonaise de Fukuoka n’est peut-être pas la plus visitée par les touristes occidentaux mais si vous allez là-bas et que vous aimez les expériences gastronomiques inédites, foncez chez Yorozu. Il faut réserver d’avance, il faut parler japonais ou bien être accompagné de quelqu’un qui parle cette langue, c’est impératif, et avoir deux heures devant soi. Ensuite, vous vous laissez faire et Suguru Tokubuchi vous fera déguster des associations de thé et de divers alcools, préparations concoctées devant vous, dans un cadre intimiste qui rend encore plus précieuse chaque gorgée, chaque bouchée choisie pour accompagner l’un ou l’autre des cocktails. Un moment unique.