Lorsque l’on déguste un nombre important de thé et que ceux-ci sont particulièrement tanniques et astringents, se pose la question d’avaler ou de ne pas avaler. Afin de préserver son palais, le dégustateur, une fois l’avoir fait tourner en bouche et analysée, va parfois préférer cracher la liqueur. Ainsi peut-il aborder la suivante avec une parfaite neutralité.
Népal
Nos amis népalais ont besoin de vous
De tous les pays producteurs de thé, celui qui a le plus souffert du Covid 19 est le Népal. Plusieurs raisons à cela : de petites fermes éparses ; des infrastructures défaillantes (routes coupées, aéroport international fermé ou saturé) ; une absence d’accès à la mer…
Le Népal fait partie des pays les plus pauvres du monde. J’ai fait de mon mieux pour soutenir mes amis producteurs durant cette période difficile et de délicieux thés qui auront mis plusieurs mois à nous parvenir commencent à être disponibles. Je compte sur vous pour les découvrir au nom de ces petits producteurs, de ces coopératives, de ces fermiers souvent très jeunes, qu’il faut encourager et ne surtout pas laisser tomber. La qualité et la variété de la production sont uniques lorsque l’on regarde du côté des Grands Crus, le rapport qualité-prix également.
Le merveilleux thé de Man Kumar Mukhiya
Les merveilleux thés du Népal ne nous arrivent pas facilement du fait que l’ancien royaume himalayen n’en a pas tout à fait fini avec le confinement. Mais de nombreux échantillons de thé nous sont tout de même parvenus par courrier et nous avons une belle sélection qui nous attend. D’ici quelques jours ou semaines, elle devrait arriver en France.
Aujourd’hui, je vous présente Man Kumar Mukhiya, un ami de longue date. Issu d’une famille de fermiers et passionné de thé, Man Kumar a réussi à créer sa propre ferme, ses propres champs de thé. Aujourd’hui, il rêve de manufacturer les meilleurs thés du Népal et de faire de sa plantation, Mai Pokhari, un nom célèbre auprès des amateurs. Nul doute que nous serons toujours là pour le soutenir et pour l’aider. Je vous recommande son remarquable Mai Pokhari Red Summer que nous attendons de pied ferme.
Sans toit
Au Népal, parmi les personnes qui ont eu du mal à rester confinées, celles dont les les maisons n’ont toujours pas de toit. Dans des villages reculés de cet ancien royaume himalayen, il m’arrive encore de me retrouver dans des hameaux un peu isolés dont les maisons en ruine n’ont jamais été reconstruites depuis le dernier tremblement de terre. Et ce, malgré toutes les aides internationales.
Des machines chinoises à l’origine du renouveau népalais
Le Népal produit du thé depuis près de deux siècles. A l’origine, sa culture et l’organisation de ses plantations se sont faites à l’instar de ce qui existe à Darjeeling. Mais les choses ont depuis évolué de façon considérable. Il y a un peu plus de dix ans, plusieurs producteurs de thé assez passionnés pour aller voir ce qui se passe ailleurs, rapportent de Taiwan ou de Chine différentes machines de petite capacité permettant de travailler la feuille autrement et de façon beaucoup plus artisanale. Ces machines sont aujourd’hui largement utilisées dans la plupart des différentes coopératives du pays. Grâce à elles et à la passion de celles et ceux qui les utilisent, on peut déguster aujourd’hui des thés népalais de toute sorte : blancs, semi-oxydés, façonnés comme des perles. Et sur un plan gastronomique, des thés d’une qualité remarquable.
Le renouveau du thé népalais tel qu’on le connaît depuis une dizaine d’années vient donc de la rupture avec le système anglais.
Transmettre
Transmettre. Que peut-on faire de mieux dans la vie que de transmettre ? Mon métier de chercheur de thé est aussi un métier de passeur. Un passeur qui fait le lien entre le fermier qui manufacture ses thés et l’amateur de thé qui les déguste. Un passeur qui partage ses connaissance sitôt acquises. Un passeur qui donne la main à ses équipes et les invite sur place, dans les champs de thé, dans les fermes, et les fait participer à ces moments uniques, ces rencontres inoubliables avec des villageois d’une gentillesse rare, d’une hospitalité inégalable, d’une générosité immense.
Ici, au Népal, dans la vallée d’Ilam, de La Mandala à Pathivara en passant par Tinjure, Shangri-la, Arya Tara et. Panitar, en compagnie de Carole, Fabienne, Oxana, Sofia, David, Léo et Mathias.
Déguster en extérieur
La visite d’une plantation de thé s’accompagne toujours d’une dégustation. Celle-ci a lieu dans la pièce qui lui est réservée, face à la lumière du dehors. Cependant, il peut arriver que la dégustation ait lieu en extérieur. C’est le cas lorsque la factory est trop petite ou ne dispose pas de l’équipement adéquat. Avec un peu de chance, on pourra alors jouir d’un paysage magnifique en même temps que l’on fera rouler dans sa bouche la liqueur. Ici, à Pathivara (Népal), une belle table en pierre sert de support.
Le temps de la sécurité
Ma sélection de Darjeeling de Printemps est terminée, 12 Grands Crus au total. De Puttabong à Thurbo en passant par Namring Upper et Highlands, elle représente ce que ces montagnes ont produit de meilleur au cours de la saison. Je souhaite maintenant partager avec vous les étapes postérieures à l’achat d’un thé d’une qualité exceptionnelle, à l’instar de chacun des thés de cette famille : le thé est emballé dans la plantation elle-même puis transporté par camion jusqu’à l’aéroport le plus proche. De là, il rejoint Paris pour être aussitôt acheminé vers les entrepôts de Palais des Thés. Un échantillon du lot est alors envoyé en laboratoire, le temps d’être analysé. Dès la confirmation de la conformité du thé à l’engagement Safetea qui fait la fierté de Palais des Thés, il est dispatché vers les différentes boutiques. De la plantation à la tasse, il faut accepter un délai incompressible de plusieurs semaines, gage de qualité et de sécurité.
Etes-vous plutôt Clonal Superb ou China Exotic ?
Les Indiens utilisent la nomenclature héritée des britanniques pour décrire les feuilles de thé (voir mon précédent billet). Cependant, depuis quelques années, ils ne se contentent plus des simples lettres « FTGFOP » ou même « SFTGFOP1 ». Ils y ajoutent des mots, en général très jolis. Certains ont une signification précise, les autres font à l’oreille une jolie musique et le producteur entend par là vous faire comprendre que ce thé exceptionnel mériterait, du plus offrant, un prix lui aussi exceptionnel. Pour les premiers, les mots China, Clonal, AV2 décrivent le théier récolté. Un cépage originaire de Chine (Camelia sinensis sinensis), un cépage hybride (le mot clonal est donc impropre en français), ou encore le nom précis du cépage (AV2 pour Ambari Vegetative n°2).
Pour les seconds, Exclusive, Delight, Exotic, Superb, Mystic, l’imagination est sans limite. Wonder, Enigma, Euphoria, c’est pas mal non plus. Je suis prêt à parier que d’ici un an ou deux on m’offrira le Nirvana !
Chercheur de thé, une manière de mener l’enquête
Avant de me lancer dans le thé, j’ai longtemps rêvé de devenir journaliste. J’aimais l’idée de m’intéresser aux gens, de leur poser des questions, de comprendre ce qu’ils faisaient, de me faire expliquer des choses parfois compliquées et d’essayer de les rendre compréhensibles. J’aimais l’idée d’investiguer, de recouper l’information, de mettre à l’aise mon interlocuteur pour instaurer un dialogue de qualité. J’avais envie d’un métier qui m’emmène au bout du monde, qui me fasse rencontrer des gens de tous les horizons, de toutes cultures, des hommes et des femmes qui ne parlent pas ma langue, qui ne partagent pas mon histoire. J’avais envie de recevoir leur message et de le transmettre. Et puis, finalement, je me suis créé ce métier de chercheur de thé qui n’existait pas. J’aurais pu me contenter de rester derrière le comptoir de ma boutique de thé, j’aimais ça, accueillir les clients, les écouter, les orienter, mais j’ai eu envie d’aller plus loin, de mener mon enquête, de savoir d’où venaient ces feuilles de thé. J’ai appris d’abord à déguster, à reconnaître les goûts, les arômes, j’ai appris ensuite des langues étrangères. J’avais soif de découvertes, d’aller au-devant d’un monde ignoré, celui de la culture du thé. J’ai fait mon balluchon. J’ai été à la rencontre des fermiers, des cultivateurs, des négociants, des cueilleurs, des planteurs. Je me suis pris au jeu. Voyage après voyage. J’ai pris mon temps. Je suis parti à la rencontre de ces hommes et de ces femmes qui peuplent ces montagnes sur lesquelles ils pratiquent la culture du thé. Je les ai trouvés dans les champs, sur la place d’un village, devant l’usine. Je me suis assis. Je suis resté. J’ai écouté. Ecouté. Ecouté. J’ai tout enregistré. Et voilà comment, trente-deux ans plus tard, ce métier me comble et que ce qui me plaisait tant, autrefois, dans ce métier de journaliste, je le retrouve ici dans celui de chercheur de thé.