Cette femme a 95 ans. Elle vit dans une ferme complètement isolée, avec son mari. Ils vivent seuls, à flanc de montagne, loin de toute habitation, avec juste quelques poules et un peu de terre à cultiver. Un chemin minuscule mène à leur maison. Il est si étroit que l’on y pose les pieds l’un devant l’autre. Je lui ai rendu visite la semaine dernière, lors d’une marche dans les montagnes, à l’est du Népal. J’étais avec Andrew, planteur de Guranse qui partage avec moi le goût des longues promenades. Elle a préparé un thé pendant que nous discutions avec son mari. Elle nous a amené le thé dans un gobelet en métal et dans une coupelle à part elle a jeté une poignée de céréales. Nous avons versé le thé au lait, assez poivré, sur les céréales et nous les avons mangées. Nous avons bu le thé qui restait. Nous avons bavardé longtemps avec elle et son mari, sur le pas de leur maison, sous une ruche. Elle et lui nous parlaient sans arrêt. Elle comprenait mon médiocre hindi mais ne s’exprimait qu’en népali. Andrew me traduisait. Quand j’arrivais à l’interrompre, je lui posais des questions. Son secret de longévité ? Manger de la nourriture saine, des produits frais que l’on fait pousser soi-même. Et l’amour, n’était-ce pas aussi lui, le secret de leur longévité ? Elle a ri, échangé un regard tendre, drôlement émouvant, avec son mari. Ils se sont mariés quand elle avait 11 ans. Il en avait 15. Ils s’aiment. Cela fait plus de quatre-vingts ans. Au moment de partir ils nous ont pris les mains, ils nous ont aussi bénis en posant les leurs sur nos fronts. Et ils nous ont demandé si, plus tard, lorsqu’ils ne seraient plus là, nous pourrions une fois, juste une fois, avoir une pensée pour eux.