On peut penser que les règles qui définissent la couleur d’un thé sont strictes. Cela n’est pas toujours le cas. Ici, dans le Triangle d’Or, la mode est au mao cha, ce thé qui sert de base aux différents thés fermentés que l’on nomme dans cette région du monde les pu erh. Or, certains laissent le mao cha se flétrir une nuit durant avant de le fixer à la chaleur, de le rouler et enfin de le laisser une journée au soleil. Tandis que d’autres, sitôt la cueillette effectuée, travaillent les feuilles au wok durant une dizaine de minutes avant de les rouler à la main et les laisser sécher cinq à six heures en plein soleil.
Thaïlande
Les maocha de Dara
Voyager c’est aller à la rencontre des autres et je suis heureux d’avoir fait la connaissance de Dara, la semaine dernière, dans les montagnes au nord de la Thaïlande. Le père de Dara dont la famille est originaire du Yunnan (Chine) a quitté Kunming à l’âge de 15 ans, accompagné de son jeune frère, pour rejoindre la ville de Fang. C’était en 1938. Il fuyait la misère. Il connaissait le thé. Il a trouvé à Pai un bon feng shui. Il s’y est établi. Dara est passionnée de thé et manufacture un délicieux maocha à partir de feuilles récoltées sur de vieux théiers. Sur cette photo elle pose avec Mie, son amie avec laquelle elle partage sa vie.
Chez les Karen
Il n’y a pas qu’en Chine ou dans le nord du Vietnam que l’on récolte les feuilles de thés sur des camélias devenus hauts. Dans le nord de la Thaïlande, à quelques kilomètres du Myanmar (Birmanie), cette femme appartenant à l’ethnie Karen, prélève sur de vieux théiers qui s’épanouissent dans la jungle les jeunes pousses à partir desquelles va pouvoir être manufacturé le maocha, matériau végétal qui sert de base aux thés sombres.
Un voyage en image
Parcourir le monde ne constitue pas une nécessité, y compris lorsque l’on exerce un métier comme le mien. Malgré la situation sanitaire mondiale, les échantillons des thés produits au bout du monde par les fermiers que nous connaissons nous arrivent. Nous les dégustons au chaud de notre salle de dégustation. Nous sélectionnons ceux que nous souhaitons. Bref, le monde du chercheur de thé continue de tourner à peu près rond en ces temps de Covid 19. Un monde étrange qui nous laisse cependant immobiles. Et lorsque la nostalgie du voyage nous prend, la nostalgie de ces paysages merveilleux, de ces montagnes, de ces cieux changeants, rien n’empêche, après tout, de nous y transporter grâce au pouvoir de l’image. Ici nous sommes dans le nord de la Thaïlande, le Triangle d’Or n’est pas loin.
Derrière les thés que vous aimez il y a des visages
Lorsque l’on se prépare un thé, on peut avoir envie d’en savoir davantage sur le breuvage en question, par exemple découvrir le paysage qui l’a vu naître, ou bien faire connaissance avec celles ou ceux qui ont participé à sa manufacture. Tant mieux si mon blog peut vous offrir cette possibilité ! Pour les amateurs du thé du nord de la Thaïlande (Milky oolong, par exemple), voici les visages de cueilleuses de Mae Salong en pleine récolte des feuilles.
Madame Ming, une femme exceptionnelle
Dans le monde du thé, Madame Ming fait figure d’exception. Rares sont les femmes à la tête d’une exploitation de thé. Et non seulement Madame Ming produit des oolongs remarquables, mais encore est-elle une pionnière puisqu’à l’origine de l’introduction du thé autour de Mae Salong. Depuis, manufacturer des thés peu oxydés à la façon de Taiwan est devenu une mode dans cette partie du Triangle d’Or située aux confins de la Thaïlande et du Myanmar (Birmanie).
J’ai rencontré Madame Ming il y a près de dix ans grâce à Augustin, l’un de mes neveux qui parcourait à moto ces montagnes reculées et auquel j’avais demandé, sitôt qu’il rencontrerait des théiers, de me prévenir.
Madame Ming me réserve ses meilleurs thés – Jade Oolong, Ruby Oolong, Milky Oolong et autres Thai Beauty, ainsi que ce genre d’amitié qui dure une vie.
Audacieuse et exigeante, Madame Ming ne se repose pas sur ses lauriers, elle expérimente, innove, s’essaye avec succès aux thés noirs et sombres. J’ai d’ores et déjà sélectionné certains d’entre eux que vous pourrez bientôt découvrir.
Autant de thés que d’ethnies distinctes
Le Triangle d’or constitue pour l’amateur de thé une région à part. Tout d’abord, le thé y est sans doute né, ça n’est pas rien. Et, de nos jours, il existe dans ces replis montagneux et peu accessibles au moins autant de thés que d’ethnies distinctes. Du sud du Yunnan à l’est du Myanmar en passant par le nord du Laos, de la Thaïlande et du Vietnam, on rencontre beaucoup de costumes et autant de coutumes différentes. Le thé se manufacture blanc, noir, vert, bleu-vert ou bien sombre, selon le goût local. Certains méritent même l’appellation de Grand Cru. Et il reste de nombreuses fermes à découvrir sur les flancs de ces innombrables montagnes couvertes de brumes et de légendes. Une mine pour un chercheur de thé en quête de belles découvertes !
Faire suer
Les thés noirs sont oxydés et les thés verts ne le sont pas, c’est ce qui fait leur différence. En ce qui concerne les oolong, c’est plus compliqué : ils sont un peu, beaucoup ou passionnément oxydés, c’est-à-dire qu’ils subissent une oxydation partielle qui peut aller de 10% à 70%. Bien sûr, un oolong peu oxydé aura un parfum plutôt végétal alors que celui qui aura subi une oxydation poussée développera des notes boisées et fruitées. Quel que soit le taux d’oxydation recherché, les étapes de la manufacture sont les mêmes : flétrissage, sudation, torréfaction, roulage et enfin séchage. L’étape de la sudation – essentielle – alterne des phases de brassage des feuilles et des phases de repos comme l’illustre cette photo. Le but de cette étape est de permettre l’oxydation tout en faisant perdre aux feuilles l’eau qu’elles contiennent naturellement.
Au nord de la Thaïlande, des thés chargés d’histoire
Un Jade Oolong de Thaïlande m’a séduit il y a quelques semaines et c’est l’occasion de vous dire quelques mots du village de Mae Salong, au nord de la Thaïlande, de sa population chinoise, de son histoire singulière et sulfureuse. Dans les années 50, mis en déroute par Mao Zedong, les nationalistes du Kuomintang se replient sur l’île de Taiwan à l’exception de certains régiments basés dans le Yunnan qui optent pour la Birmanie pour y organiser la résistance, aidés par la CIA. Dix ans plus tard, excédée par cette menace à sa frontière, la Chine obtient de la Birmanie que ces régiments soient chassés, certains soldats choisissent alors de s’installer à Taïwan, d’autres au Laos et quelques uns enfin à Mae Salong, juste de l’autre côté de la frontière entre la Birmanie et la Thaïlande. Dans les années 80, les Chinois de Mae Salong renoncent à retourner un jour en Chine et suite à l’éradication de la culture du pavot, se mettent à celle du thé. Outils et savoir-faire viennent de Taiwan, ainsi que les jeunes plants, voilà pourquoi de nos jours on trouve dans ces montagnes du Triangle d’Or de délicieux oolongs offrant des similitudes avec certains oolongs de Taiwan.