Maire-adjoint de Bayonne et belle plume, dans le récit cocasse qu’il fait de l’inauguration de la boutique de Bayonne, Yves Ugalde écrit, je cite, qu’il s’est dirigé vers cette nouvelle offre commerciale bayonnaise avec un rien de réticence, « ne serait-ce que parce que je craignais d’être reçu par quelque grand prêtre du monde d’après COVID, enfourchant toutes les montures du marketing végan et non carné des bobos écolos des grandes villes. De ces univers où le tube digestif se transforme progressivement en soliflore ». Son récit me réjouit parce que telle est bien la mission de Palais des Thés que de débarrasser le thé de ses divers clichés, et de guider chacun en fonction de ses goûts, à la façon d’un caviste, vers des thés faciles à apprécier, ou des crus plus rares. Et quel bonheur que de lire qu’il est tout prêt à se faire aujourd’hui une autre idée du camellia sinensis, d’autant que sur les terres de ce beau Pays-Basque, de très sérieuses tentatives existent à l’heure actuelle pour l’y faire pousser. Entre Nive et Adour, entre la Fête du Jambon et celle du Chocolat, à quand la Fête du Thé ?
ARCHIVE DE 2022
Un train de vie
Darjeeling n’a pas le monopole du petit train et celui qui rallie Colombo à Badulla en dix heures serpente à maintes occasions entre les champs de thé, pour le bonheur des touristes comme des nombreux Sri Lankais qui empruntent cette ligne. Hélas, l’île connaît aujourd’hui de fortes turbulences à la fois économiques et politiques. Pourvu que ce pays d’une grande beauté et qui a connu la guerre durant plusieurs décennies se dirige résolument vers des jours meilleurs, pour le bonheur de ses habitants et des nombreux visiteurs.
Des pratiques variées
On peut penser que les règles qui définissent la couleur d’un thé sont strictes. Cela n’est pas toujours le cas. Ici, dans le Triangle d’Or, la mode est au mao cha, ce thé qui sert de base aux différents thés fermentés que l’on nomme dans cette région du monde les pu erh. Or, certains laissent le mao cha se flétrir une nuit durant avant de le fixer à la chaleur, de le rouler et enfin de le laisser une journée au soleil. Tandis que d’autres, sitôt la cueillette effectuée, travaillent les feuilles au wok durant une dizaine de minutes avant de les rouler à la main et les laisser sécher cinq à six heures en plein soleil.
Être utile
Lorsque j’achète certains thés, j’ai le sentiment profond de notre utilité à l’égard des communautés. J’ai le sentiment que l’argent versé en échange de ce travail remarquable que constitue la manufacture d’un grand cru va être réparti de façon équitable, et non pas profiter à un individu seulement. En visite dans une plantation, voici une question que je me pose souvent : mettons que je paye ici le thé le double de sa valeur, à qui va aller cet argent ? Dans certains cas j’ai l’intuition que l’argent ne va aller qu’à une personne ou bien une catégorie de personnes et que les cueilleuses, les cueilleurs ne toucheront pas le moindre bonus. Et lors d’autres visites, j’ai la conviction que mon geste donnera lieu à un partage. Que le village entier pourra se féliciter d’avoir su faire de si délicieux thés, et que tous les efforts seront mis en œuvre pour en manufacturer de nouveaux. Et dans ce cas, j’ai le sentiment, fort, de notre utilité. Ici, au Népal, les équipes de Palais des Thés et de la manufacture de Norling font connaissance. Vous êtes utile à tout le village lorsque vous leur achetez leur magnifique thé. (photo : Anna Galitzine)
Les maocha de Dara
Voyager c’est aller à la rencontre des autres et je suis heureux d’avoir fait la connaissance de Dara, la semaine dernière, dans les montagnes au nord de la Thaïlande. Le père de Dara dont la famille est originaire du Yunnan (Chine) a quitté Kunming à l’âge de 15 ans, accompagné de son jeune frère, pour rejoindre la ville de Fang. C’était en 1938. Il fuyait la misère. Il connaissait le thé. Il a trouvé à Pai un bon feng shui. Il s’y est établi. Dara est passionnée de thé et manufacture un délicieux maocha à partir de feuilles récoltées sur de vieux théiers. Sur cette photo elle pose avec Mie, son amie avec laquelle elle partage sa vie.
Chez les Karen
Il n’y a pas qu’en Chine ou dans le nord du Vietnam que l’on récolte les feuilles de thés sur des camélias devenus hauts. Dans le nord de la Thaïlande, à quelques kilomètres du Myanmar (Birmanie), cette femme appartenant à l’ethnie Karen, prélève sur de vieux théiers qui s’épanouissent dans la jungle les jeunes pousses à partir desquelles va pouvoir être manufacturé le maocha, matériau végétal qui sert de base aux thés sombres.
La pratique de la cueillette
La cueillette, il faut la pratiquer pour la comprendre. Il est difficile d’imaginer ce que l’on ressent lorsque l’on se tient une journée entière debout sur une pente parfois très inclinée et avec une hotte de dix ou vingt kilos dans le dos. Cette hotte tient en équilibre grâce à une sangle qui ceint le front tandis que le cueilleur de ses doigts agiles prélève avec la plus grande rapidité le bourgeon et les deux feuilles tendres présents sur chacun des rameaux de l’arbuste. Il faut répéter le même geste des milliers de fois et lancer par-dessus l’épaule les jeunes pousses avec une certaine dextérité afin qu’elles retombent bien dans la hotte. Ici, votre serviteur se concentre sur la tâche. (photo : Uday Yangya)
Le voyage d’une vie
Inviter celles et ceux qui chaque jour contribuent à faire davantage connaître le thé, fait partie de ma mission. Parmi mes collaborateurs, ils sont nombreux à n’avoir encore jamais vu de théiers, et c’est à la fois une joie et la réponse à une exigence que de prendre avec eux la route des plantations. La semaine dernière, j’étais dans la vallée d’Ilam en compagnie de Anna, Cassandra, Svetlana, Clément, Pierre et Thomas. Nous avons été de petit producteur en petit producteur, nous avons découvert des gens extraordinaires, des paysages incroyables, ensemble, nous avons roulé les feuilles que nous avions nous-mêmes récoltées, rejoint par Léo, qui cherche à mes côtés les meilleurs thés du monde. Et nous nous sommes souhaité la bonne année puisque dans ce pays incroyable, nous venions d’entrer en 2079. Que de beaux moments, que de découvertes. Un voyage comme celui-là, dans des régions si inaccessibles, d’une certaine manière, c’est le voyage d’une vie, et rien ne peut me rendre plus heureux que ce partage, que de donner un peu à voir de ce métier merveilleux.
S’ouvrir à d’autres cultures
L’une des beautés et pas des moindres du métier de chercheur de thé consiste en la possibilité de s’ouvrir à d’autres cultures. Ici, lors de la fête de Tsechu, les moines donnent vie au personnage dont ils épousent le masque, le temps d’un défilé, sinon d’une danse.
Danses sacrées du Tibet
En route pour la vallée d’Ilam, je m’arrête à Katmandou. Matthieu Ricard m’a invité au monastère de Shechen à la célébration de Tsechu, une fête durant laquelle on peut assister à la représentation de danses sacrées tibétaines. A la veille du grand jour, les moines répètent. Demain, ils s’élanceront à nouveau mais cette fois après avoir endossé un lourd et fastueux costume ainsi qu’un masque impressionnant.