A l’heure où l’on ne voit pas bien clair du côté de Darjeeling dont les plantations subissent depuis de longues années une crise dont on aimerait voir la fin, je me promène dans d’autres régions de thé du nord de l’Inde. « La Nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles », écrit Charles Baudelaire. Et ici, dans la vallée de Kangra, qui ne ressentirait pas cette présence ? Regardez comme ces arbres nous observent avec un regard familier ! Je ne sais pas si vous les entendez. A moi, ils me parlent.
ARCHIVE DE 2024
La photo révèle
Parfois, la photo interroge. Au moment de déclencher, il se peut que celui qui est à la manœuvre de l’autre côté de l’objectif, son boîtier bien en main, ne voit pas l’essentiel. Il est absorbé par son sujet, attend la bonne lumière, cadre, règle la vitesse d’obturation et la profondeur de champ. Et c’est seulement une fois la photo affichée sur toute la surface de l’écran d’un ordinateur que la chose lui saute aux yeux. Ici, par exemple, ce que je découvre c’est l’absence d’arbres. Sur le moment je n’ai rien vu. Comment est-ce possible ? Et comment peut-on déboiser de la sorte, cultiver de façon aussi intensive sur des collines à ras ?
Mais ce que je retiens surtout ici c’est ce mystère de la photographie qui agit parfois en deux temps, une réponse à une attirance pour des formes, des couleurs, en premier lieu. Puis quelque chose de plus profond qui se révèle ensuite.
Le culte et l’inculte
Cette photo offre une vision heureuse, à mon humble avis. On y trouve des théiers s’épanouissant au sein d’une végétation dense. Un relief accidenté, forcément pentu, des arbres nombreux, d’essences variées… Une belle harmonie entre le culte et l’inculte, entre le cultivé et le sauvage, j’entends. On imagine bien la richesse de la faune et de la flore au sein d’une telle diversité. Et pour le photographe que je suis ou que je tente d’être, une seule couleur ou presque, dirait-on au premier coup d’œil, mais à y regarder de plus près, quelle multitude, quel choix dans les verts. Et quoi de mieux que cette profusion de verts pour fêter le printemps ?
Boutures et nursery
Pour manufacturer un bon thé, encore faut-il bien connaître ses théiers. La chose est plus aisée lorsque l’on s’occupe de chacun d’eux depuis leur plus jeune âge. Nombreuses sont les plantations – comme ici à Satemwa, au Malawi – qui bouturent elles-mêmes les plants et les font ensuite grandir durant dix-huit mois dans ce que l’on nomme une nursery. Sous ombrage pour les préserver d’un trop fort ensoleillement et d’une moindre humidité, les jeunes boutures développent leur système racinaire. Plus tard, le tout jeune théier sera planté en plein terre et commencera sa vie d’adulte. Il sera alors temps de récolter ses pousses – plutôt rares les premières saisons, de plus en plus nombreuses au fur et à mesure du développement et de la ramification de l’arbuste.
A Hong Kong, la danse du lion
A Hong-Kong, la danse du lion se pratique à l’occasion du Nouvel an et l’on peut alors dans diverses rues et centres commerciaux de l’île apercevoir l’animal bien escorté cueillir quelques fruits et légumes suspendus à la porte de chaque boutique. Le fauve attrape le bouquet et en recrache peu à peu la verdure tandis qu’il conserve par-devers lui l’enveloppe bien garnie destinée à la troupe de danse à laquelle il doit la vie. Pour le commerçant, une dépense qui ne se fait pas en pure perte puisque cette coutume a pour but de porter chance, et nul doute qu’après ce geste de bonne augure, ses affaires seront florissantes.
Un chercheur de thé nommé Léo !
« Depuis mon plus jeune âge, le thé a toujours été présent autour de moi, sans pour autant que je lui accorde une importance particulière. Tout change à l’aube de mes 14 ans lorsqu’une tasse de wulong, un Tie Guan Yin d’Anxi, captive mes sens par sa fraîcheur et son parfum de lys éveillant ainsi une passion grandissante.
Alors que le monde adulte commence à se dessiner devant moi, je m’interroge sur mon avenir. Le thé m’attire irrésistiblement et le désir de découvrir le monde en parallèle me pousse à rêver d’horizons lointains. Pourquoi ne pas concilier les deux ? Après quelques recherches, je découvre le blog de François-Xavier Delmas, pratiquant l’étrange métier de Chercheur de thé.
Je décide alors de le contacter pour lui demander conseil. Il faut dire que durant toutes mes années de lycée, je dépensais mon argent de poche dans les Grands Crus au Palais des Thés de Rennes. Je goûtais tout ce que je pouvais, chaque instant était une exploration dans l’univers du thé. Je voulais vivre de ma passion.
Après le Bac, j’envisage une école de commerce mais après six mois de cours, un stage dans la boutique bretonne agit comme un révélateur et me confirme mon désir de travailler dans le thé. Impatient, et poussé par mes proches, je quitte les études et pars à l’étranger pour approfondir mes connaissances aux côtés de ceux qui travaillent la feuille.
Avant mon départ, j’ai pris soin de consulter François-Xavier pour lui exposer mon projet. Voyant qu’après toutes ces années, je restais toujours aussi déterminé à faire ce métier, il décide de m’aider et m’oriente vers différentes manufactures pour travailler et apprendre.
Durant une année, je m’immerge dans les plantations d’une dizaine de pays, apprenant aux côtés des cultivateurs, les mains dans les feuilles.
À mon retour, François-Xavier m’offre l’opportunité de faire de cette passion mon métier. Ainsi, suis-je devenu chercheur de thé, porté par ma passion, ma détermination et le soutien précieux de ceux qui croient en moi. »
Chercheur de thé, c’est un métier
Je ne suis pas le seul aujourd’hui à exercer le métier de chercheur de thé. Léo part lui aussi à la recherche des thés rares et depuis plus de cinq années nous travaillons ensemble, c’est-à-dire que nous dégustons tous les échantillons qui arrivent, nous entretenons des relations étroites avec les fermiers que nous essayons par ailleurs de mettre en valeur et aussi d’aider quand ils en ont besoin. Et nous formons le plus de collègues possibles afin que leur connaissance du thé progresse. Cela passe, là aussi, par de nombreuses dégustations et par tous les récits de voyages possibles et imaginables, entre autres expériences gastronomiques. Deux chercheurs de thé en France, c’est peu, mais nul doute que ce métier a de l’avenir au vu de l’engouement actuel des Français pour le thé de qualité.
Comment devient-on chercheur de thé ? à suivre…
Vivre mieux
Partout sur notre planète des hommes et des femmes cultivent la terre. Et rien de tel que d’être en contact avec eux pour se rendre compte de la difficulté de leur travail. Passer du temps ensemble permet de prendre conscience de leurs conditions de vie. Cela reconnecte à l’essentiel et surtout donne envie de parler d’eux, de mettre en avant leurs gestes, leur cueillette, leur savoir-faire. Bref, de les aider. Les aider ici, par exemple, à manufacturer des thés plus intéressants sur un plan gastronomique, des thés qui leur rapporteront davantage. Donc les aider à vivre mieux, les aider à élever plus facilement leurs enfants, les aider à bénéficier de soins meilleurs, aider à regarder l’avenir avec confiance et assurer ainsi une pérennité à ce beau travail de la terre.
Ombre et engrais
Certes, le théier a besoin de lumière, mais cela ne lui plait pas pour autant de subir toute la journée les rayons d’un soleil direct. Il apprécie jouir de temps à autre d’un peu d’ombre, surtout s’il a été planté à basse altitude, à un niveau où les températures peuvent facilement monter. Alors on crée un léger couvert pour être agréable à notre théier et le faire bénéficier d’un temps de repos. Ce couvert se compose le plus souvent d’arbustes appartenant à la grande famille des légumineuses, plantes dont le feuillage en se dégradant enrichit les sols notamment en azote. Un engrais vert, en quelque sorte, très apprécié par le théier.
Se préparer au thé
Il y a la préparation du thé et il y a la préparation au thé. Lorsque je me prépare un thé, je me prépare aussi au thé. Cela signifie que je ralentis mon rythme, je prends le temps de souffler, comme on dit. Je mets entre parenthèses toute préoccupation que je peux avoir, je me donne de la légèreté. Je concentre mon attention sur un objet qui m’est cher, une émotion positive, ou encore un beau paysage, comme ici. Une vue sur un jardin. Et pendant que mon thé infuse, et pendant que je le déguste, me tenant bien droit et détendu à la fois, je suis apaisé.