Il y a une chose qu’aucun planteur ne m’empêchera jamais de faire, c’est de marcher, partir en ballade pour une ou deux heures, au moins, chaque jour. J’adore ça. Seul ou accompagné, peu m’importe, j’aime marcher, j’aime aller à la rencontre des gens, j’aime observer la lumière, le temps qui change, la beauté d’une floraison, la couleur d’un torchis, j’aime m’asseoir sur le pas d’une maison, échanger des sourires avec des gens dont je ne sais rien mais avec lesquels je suis lié, parce que nous vivons sur la même planète, bien sûr, et parce que le thé fait sans doute partie de leur vie à eux aussi. On apprend beaucoup en marchant : sur la façon dont vivent les gens, sur les méthodes de culture du thé, sur le climat, sur la géographie, et puis il y a ces couleurs, ces odeurs. Il y a des bêtes étranges, bien sûr, des serpents, parfois, dont on ignore tout, des insectes invraisemblables, des trucs qui font des bonds. Mais je suis bien. Je m’assoies sur un coin de rocher quand j’ai envie d’admirer quelque chose, quand c’est beau, tout simplement, et parce qu’il fait bon prendre son temps, se demander à quoi l’on sert sur notre petite planète, quel est le sens de la vie, le thé c’est la lenteur. Et puis le thé vous apprend le calme, il vous apprend à respirer, au propre comme au figuré, il vous apprend à arrêter de vous agiter sans plus savoir pourquoi vous courrez de droite à gauche, du matin jusqu’au soir.
Ici, à trois heures au nord de Kigali, sur les petits sentiers perdus dans la montagne, « bonjour » se dit d’une façon très jolie. Lorsque vous croisez quelqu’un il vous lance en levant ses bras, comme on ferait avec un ami que l’on aurait pas vu depuis longtemps, un joyeux « Amakuru ! ». Et son bonjour signifie, « Quelles sont les nouvelles ? ».
« Quelles sont les nouvelles ? »
8 juillet 2016