La différence de climat entre le nord et le sud du Japon et la plus ou moins grande précocité des cultivars de ce pays ont pour conséquence un écart important dans la disponibilité des premiers lots printaniers. Traditionnellement, les fameux Ichibancha japonais sont cueillis et manufacturés chaque année au début du mois de mai. Le réchauffement climatique, d’une part, le choix de nouveaux cultivars par les fermiers du pays qui ne se contentent plus du seul Yabukita, d’autre part, fait que l’on observe davantage de précocité dans les récoltes. Par exemple, le Shoju de Monsieur Matsushita, produit à partir d’un théier hâtif dans l’île de Tanegashima, au sud de l’archipel, est d’ores et déjà disponible. Il est à la fois floral, végétal, iodé. Un avant-goût des grands espaces… Un vrai enchantement.
Désir d’apprendre, désir d’harmonie
Nous vivons dans un monde où les gens ont des opinions sur tout. Nous vivons dans un monde où les mêmes se révoltent pour un rien, parce qu’ils sont sûrs de détenir la vérité, de savoir mieux que quiconque. Cela m’est difficile à comprendre. Trop de certitudes ne favorise pas l’apprentissage, il me semble. Si aujourd’hui j’en sais un peu sur le thé, par exemple, c’est parce que durant des années j’étais convaincu d’être d’une grande ignorance. C’est le fait d’accepter cette ignorance, c’est le fait de reconnaître que j’en savais sait fort peu, de reconnaître que j’avais tout à découvrir, qui m’a permis d’apprendre. Quant au fait de se révolter contre tout, là aussi, c’est à mille lieux de ma manière de vivre puisque le métier de chercheur de thé consiste à rencontrer des gens qui pensent autrement, qui mènent d’autres vies que les nôtres, ont épousé d’autres croyances, d’autres coutumes. Et le bonheur de ce métier consiste précisément à aller à la rencontre de ces différences. Et comme mon métier se pratique principalement en Asie, même en cas d’opinion contraire, on aura pour but ultime la recherche d’une harmonie.
Avec Matthieu Ricard
Croire en la beauté d’un monde qui ne serait pas guidé uniquement par les profits qui nourrissent une minorité au détriment de la majorité. Croire qu’une entreprise peut apporter du bonheur à ses salariés, du bonheur à ses clients, du bonheur à ses fournisseurs, en l’occurrence à ses fermiers. Inscrire l’éthique au cœur de ses valeurs. Croire qu’une entreprise non seulement peut mais doit avoir une démarche citoyenne et faire passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier. Ne pas faire des bénéfices pour faire des bénéfices. Faire des bénéfices dans le cadre d’une croissance profitable, une croissance qui profite à chaque acteur, une croissance raisonnée, une croissance utile, une croissance qui ne se fait pas sur le dos de la planète, une croissance qui intègre le court, le moyen et le long terme, une croissance au bénéfice du développement humain.
(photos : Chloé Douzal, Alexandre Denni)
Par bonheur
Par chance, le coronavirus n’empêche pas les feuilles de thé de pousser. Par chance, le même virus n’empêche pas la récolte de s’effectuer. Par chance, les échantillons de thé nous parviennent. Par chance, nos papilles sont encore en état de fonctionner, notre odorat aussi, nous sommes plusieurs à déguster chacun des thés, nous faisons bien attention à nous protéger et par bonheur nous pouvons ainsi continuer à sélectionner les meilleurs thés qui soient, parmi ceux qui nous arrivent. Et par bonheur, nous est donné à chacun d’entre nous de pouvoir déguster, en attendant des jours meilleurs, les sublimes thés de printemps, entre autres, de pouvoir vivre ainsi en harmonie avec la nature, en harmonie avec celles et ceux qui sont loin et que nous retrouverons un jour, lorsque les conditions seront réunies pour voyager à nouveau.
Bien chercher
Le thé a été introduit au Malawi à la fin du XIXème siècle, par des missionnaires écossais. Il pousse à l’extrême sud de l’ancien Nyassaland, à un jet de pierre du Mozambique. A l’instar de nombreux pays d’Afrique, l’essentiel de la production est destinée au marché du sachet. Mais il n’est pas impossible d’y trouver des thés plus rares, à condition de bien chercher.
Le bazar me manque
Les rues népalaises me manquent, ces artères qui traversent les villages de montagne, ces chemins qu’une pluie rend boueux avant qu’un violent soleil ne les assèche jusqu’à en faire de la poussière. Elle se soulève au passage de ces Jeep toujours pressées qui klaxonnent pour éloigner tout ce qui encombre la chaussée, poules comprises. Elle se dépose sur l’étal d’un marchand qui de temps à autre sort de son échoppe, plumeau en main, et l’agite sans conviction. Ou bien balance un seau d’eau sur la chaussée. Ces villages aux maisons colorées, aux planches disjointes, me manquent. Ces odeurs de bazar, ces gens qui s’apostrophent, qui vous sourient, ces encens qui brûlent, ces couleurs, cette simplicité. Et soudain, le bruit du gong qui voyage de montagne en montagne au rythme de l’écho.
SafeTea™, notre sécurité à tous
Je vous ai promis il y a deux semaines l’arrivée d’un merveilleux « Rohini Early Spring ». Je vous avais indiqué qu’il serait disponible après les analyses phytosanitaires de rigueur. Hélas, il faut encore patienter. La procédure propre à Palais des Thés et que nous nommons SafeTea™ répond au souhait de vous garantir une qualité sanitaire optimale. Lorsqu’un thé est issu de l’agriculture biologique (certification AB), nous procédons à des contrôles aléatoires. En revanche, pour tous les autres thés, nous nous assurons de leur parfaite conformité par des analyses en laboratoire indépendant. Ce faisant, nous allons au-delà de nos obligations légales. Il faut donc accepter de patienter le temps d’effectuer tous les contrôles, quelques jours supplémentaires, pour une parfaite sécurité.
Le mariage du thé et du chocolat
En association avec un chocolat blanc, le thé vert se révèle être un compagnon formidable. On peut opter pour un Gyokuro Hikari, ou un Genmaicha (mélange de thé et de riz soufflé). Pour un chocolat au lait ou praliné, là aussi le Japon fait merveille, avec des thés grillés cette fois, un shiraore kuki hojicha, par exemple, sinon un bancha Hojicha. Et pour un chocolat noir, noblesse oblige, vous avez le choix entre un Qimen Mao Feng, un Jukro, un Bourgeons de Yunnan Premium ou un Pu Erh Impérial.
Le thé ne doit pas être servi brûlant lorsqu’on l’associe ainsi. On le laisse reposer un peu pour que la température de la liqueur ne soit pas excessive par rapport à celle du chocolat. Et, pour mémoire, qu’est-ce qu’un mariage réussi sinon un mariage où chacun met l’autre en valeur. Ici, le thé sert le chocolat, et le chocolat, le thé.
Rohini Early Spring, un grand cru issu du cultivar B157
À Darjeeling, le thé pousse à une altitude qui varie entre 100 mètres et 2.100 mètres. On récolte en premier sur les parcelles situées à plus basse altitude, bien sûr, climat oblige. Pour mémoire, le théier hiberne lorsqu’il est soumis à des températures diurnes inférieures à 12 degrés. Je viens d’acheter un lot de Rohini Early Spring. Un thé délicieux. Pourquoi est-il remarquable sur un plan gastronomique ? Non pas en raison de la situation de la plantation, mais parce que le cultivar est qualitatif. Il porte le nom de B157 (Bannockburn 157). La parcelle est, de surcroît, entièrement plantée de ce cultivar, ce qui est inhabituel à Darjeeling où de nombreuses sections sont composées d’une mosaïque de différents types de théiers. Ce thé est délicieux, d’autre part, du fait que le planteur – qui sait bien que son jardin ne fait pas partie des plus réputés -, déborde de créativité lorsqu’il s’agit de mettre au point des thés rares. Il travaille sa manufacture, notamment, modifiant chacun des paramètres (intensité du flétrissage, du roulage, de l’oxydation, du séchage) jusqu’à obtenir la liqueur qu’il désire. Ici, nous avons un thé d’une grande finesse, d’une verdeur puissante et d’une fraîcheur intense. Ce grand cru sera disponible, après les analyses phytosanitaires de rigueur, aux environs du 22 mars prochain.
Kotagiri Frost : en attendant Darjeeling
Les thés du sud de l’Inde offrent une alternative intéressante à ceux du nord, lorsque ceux-ci n’ont pas encore poussé, faute d’une montée des températures suffisante. Sur les monts Nilgiris, on manufacture le thé à la façon de Darjeeling et le Kotagiri Frost figure parmi les plus fameux du moment. A la tasse, une verdeur, une fraîcheur intense qui nous dit que le printemps est bien là. Ce grand cru sera disponible, après les analyses phytosanitaires de rigueur, aux environs du 15 mars prochain.