A Hong-Kong, la danse du lion se pratique à l’occasion du Nouvel an et l’on peut alors dans diverses rues et centres commerciaux de l’île apercevoir l’animal bien escorté cueillir quelques fruits et légumes suspendus à la porte de chaque boutique. Le fauve attrape le bouquet et en recrache peu à peu la verdure tandis qu’il conserve par-devers lui l’enveloppe bien garnie destinée à la troupe de danse à laquelle il doit la vie. Pour le commerçant, une dépense qui ne se fait pas en pure perte puisque cette coutume a pour but de porter chance, et nul doute qu’après ce geste de bonne augure, ses affaires seront florissantes.
Un chercheur de thé nommé Léo !
« Depuis mon plus jeune âge, le thé a toujours été présent autour de moi, sans pour autant que je lui accorde une importance particulière. Tout change à l’aube de mes 14 ans lorsqu’une tasse de wulong, un Tie Guan Yin d’Anxi, captive mes sens par sa fraîcheur et son parfum de lys éveillant ainsi une passion grandissante.
Alors que le monde adulte commence à se dessiner devant moi, je m’interroge sur mon avenir. Le thé m’attire irrésistiblement et le désir de découvrir le monde en parallèle me pousse à rêver d’horizons lointains. Pourquoi ne pas concilier les deux ? Après quelques recherches, je découvre le blog de François-Xavier Delmas, pratiquant l’étrange métier de Chercheur de thé.
Je décide alors de le contacter pour lui demander conseil. Il faut dire que durant toutes mes années de lycée, je dépensais mon argent de poche dans les Grands Crus au Palais des Thés de Rennes. Je goûtais tout ce que je pouvais, chaque instant était une exploration dans l’univers du thé. Je voulais vivre de ma passion.
Après le Bac, j’envisage une école de commerce mais après six mois de cours, un stage dans la boutique bretonne agit comme un révélateur et me confirme mon désir de travailler dans le thé. Impatient, et poussé par mes proches, je quitte les études et pars à l’étranger pour approfondir mes connaissances aux côtés de ceux qui travaillent la feuille.
Avant mon départ, j’ai pris soin de consulter François-Xavier pour lui exposer mon projet. Voyant qu’après toutes ces années, je restais toujours aussi déterminé à faire ce métier, il décide de m’aider et m’oriente vers différentes manufactures pour travailler et apprendre.
Durant une année, je m’immerge dans les plantations d’une dizaine de pays, apprenant aux côtés des cultivateurs, les mains dans les feuilles.
À mon retour, François-Xavier m’offre l’opportunité de faire de cette passion mon métier. Ainsi, suis-je devenu chercheur de thé, porté par ma passion, ma détermination et le soutien précieux de ceux qui croient en moi. »
Chercheur de thé, c’est un métier
Je ne suis pas le seul aujourd’hui à exercer le métier de chercheur de thé. Léo part lui aussi à la recherche des thés rares et depuis plus de cinq années nous travaillons ensemble, c’est-à-dire que nous dégustons tous les échantillons qui arrivent, nous entretenons des relations étroites avec les fermiers que nous essayons par ailleurs de mettre en valeur et aussi d’aider quand ils en ont besoin. Et nous formons le plus de collègues possibles afin que leur connaissance du thé progresse. Cela passe, là aussi, par de nombreuses dégustations et par tous les récits de voyages possibles et imaginables, entre autres expériences gastronomiques. Deux chercheurs de thé en France, c’est peu, mais nul doute que ce métier a de l’avenir au vu de l’engouement actuel des Français pour le thé de qualité.
Comment devient-on chercheur de thé ? à suivre…
Vivre mieux
Partout sur notre planète des hommes et des femmes cultivent la terre. Et rien de tel que d’être en contact avec eux pour se rendre compte de la difficulté de leur travail. Passer du temps ensemble permet de prendre conscience de leurs conditions de vie. Cela reconnecte à l’essentiel et surtout donne envie de parler d’eux, de mettre en avant leurs gestes, leur cueillette, leur savoir-faire. Bref, de les aider. Les aider ici, par exemple, à manufacturer des thés plus intéressants sur un plan gastronomique, des thés qui leur rapporteront davantage. Donc les aider à vivre mieux, les aider à élever plus facilement leurs enfants, les aider à bénéficier de soins meilleurs, aider à regarder l’avenir avec confiance et assurer ainsi une pérennité à ce beau travail de la terre.
Ombre et engrais
Certes, le théier a besoin de lumière, mais cela ne lui plait pas pour autant de subir toute la journée les rayons d’un soleil direct. Il apprécie jouir de temps à autre d’un peu d’ombre, surtout s’il a été planté à basse altitude, à un niveau où les températures peuvent facilement monter. Alors on crée un léger couvert pour être agréable à notre théier et le faire bénéficier d’un temps de repos. Ce couvert se compose le plus souvent d’arbustes appartenant à la grande famille des légumineuses, plantes dont le feuillage en se dégradant enrichit les sols notamment en azote. Un engrais vert, en quelque sorte, très apprécié par le théier.
Se préparer au thé
Il y a la préparation du thé et il y a la préparation au thé. Lorsque je me prépare un thé, je me prépare aussi au thé. Cela signifie que je ralentis mon rythme, je prends le temps de souffler, comme on dit. Je mets entre parenthèses toute préoccupation que je peux avoir, je me donne de la légèreté. Je concentre mon attention sur un objet qui m’est cher, une émotion positive, ou encore un beau paysage, comme ici. Une vue sur un jardin. Et pendant que mon thé infuse, et pendant que je le déguste, me tenant bien droit et détendu à la fois, je suis apaisé.
Un thé qui nous apaise
Parfois je m’interroge à propos de ce que le thé m’apporte. Pourquoi me fait-il tant de bien ? Aujourd’hui je fouille dans mes photos pour alimenter ma réflexion. Et je tombe sur ce cliché, pris au bord du Gange. Lorsque je le contemple, je ressens exactement ce même apaisement que celui que me procure la dégustation de mon breuvage favori. Me voilà donc rendu où je voulais, à la définition de cet apport du thé, son bienfait : le thé m’apaise. Lorsque je me prépare un thé, lorsque je tiens la tasse dans mes mains, déjà je me détends, je ferme les yeux, je me concentre et me sens devenir libre. Je me détache des choses, brise d’invisibles liens qui me contraignent. Comme cette silhouette, cet homme-oiseau qui embrasse le ciel et s’affranchit de toute pesanteur. Le thé, un appel à l’apaisement.
Les hommes à la tâche
De nos jours, ce sont souvent les femmes qui récoltent le thé dans les plantations créées par les Anglais. En Inde, au Sri Lanka et dans différents pays d’Afrique de l’Est… Pourtant, ça fait longtemps que nos amis britanniques ont abandonné la partie. Et si les pratiques mises en place par eux demeurent dans maintes zones de production, il n’en reste pas moins que lorsque les cultivateurs se retrouvent livrés à eux-mêmes, comme ici entre Gange et Brahmapoutre, ils se répartissent les tâches comme ils l’entendent. Et ça fait du bien de voir les hommes aux champs, ça fait du bien de ne pas entendre les mêmes sempiternelles bêtises : « Les doigts des femmes sont plus fins, plus agiles… », « Les femmes ont des pratiques plus délicates… ». Quelle blague ! Même ceux que je photographie, cela les fait rire. Finissez 2023 en beauté et à l’année prochaine !
Moteur !
Dans une plantation de thé – à moins de tout faire à la main, du passage au wok jusqu’au séchage, ce qui représente un travail proprement titanesque -, il faut un moteur pour faire tourner les différentes machines. Une curiosité attend celui ou celle qui a la chance de visiter la factory de Badamtam (Inde). Un antique et non moins authentique moteur de bateau trône à l’arrière du bâtiment et après avoir entraîné durant des années les diverses machines dédiées au thé. Aujourd’hui, l’engin brille comme un sou neuf aux côtés d’un petit temple hindou. Les dieux veillent à son parfait fonctionnement.
Un métier humain
Inviter des collaborateurs à m’accompagner en voyage représente pour moi une chance unique de faire découvrir à celles et ceux qui participent au succès de Palais des Thés d’où vient le thé, comment on le source, qui sont celles et ceux qui les récoltent et le manufacturent. Sur place, comme ici à Darjeeling (Inde), ils vont se plonger dans l’univers du thé, prendre les feuilles à pleines mains et les analyser à chaque étape de leur transformation. Mais surtout, ils vont découvrir à quel point le métier de chercheur de thé est un métier humain. Les hommes et les femmes qui vivent sur ces montagnes, nous les connaissons – depuis plusieurs décennies pour certains-, et nous les aimons. Ici, entre deux dégustations et visites de plantation, Audrey, Camille, Geoffroy, Laurence, Laurie et Marc réalisent que la cueillette n’est pas une activité aussi aisée qu’il y paraît.