La récolte des feuilles qui vont servir à fabriquer le Pu Er constitue une curiosité. Ici, dans l’Ouest du Yunnan, tout près de la frontière avec le Myanmar, on laisse les théiers dans un état semi-sauvage et la récolte consiste en une ballade en forêt. En effet au lieu de maintenir les théiers à hauteur de la taille, comme dans la plupart des lieux de récolte, on les laisse devenir arbres, ou bien le sont-ils depuis toujours, et on se contente de tourner autour afin de cueillir comme partout ailleurs le bourgeon et les deux feuilles suivantes.
Au Japon, des rangées de théiers parfaitement alignés
Juste avant de quitter le Pays du Soleil Levant pour l’Empire du Milieu voici un dernier aperçu d’un paysage de thé. Les rangées de théiers sont ici parfaitement alignées. Un ordonnancement impeccable avec quelques touffes organisées, de-ci de-là, comme pour mieux souligner l’ordre ambiant. Ce que j’apprécie le plus lorsque je contemple ces étendues qui ne cèdent jamais à la monotonie ce sont ces subtiles nuances de vert ; on est presque en ton sur ton, à peine un peu plus de jaune là où les pousses sont plus jeunes, ou bien un vert un peu plus sombre là où l’on a cueilli récemment.
Le Yabukita : le cultivar le plus répandu du Japon
Si tous les théiers font partie de la famille des camélias vous savez qu’il existe en réalité différents cultivars. Le théier que l’on retrouve le plus souvent ici, au Japon, s’appelle le Yabukita. A lui seul il représente 85 % de la surface cultivée, ce qui est rare car dans les autres pays producteurs de thé de nombreuses variétés cohabitent.
Le Yabukita se reconnait aisément à sa feuille longue et étroite, d’un vert soutenu. Et aussi à sa façon de pousser, très droite, dirigée vers le ciel.
A Ryogôchi : des Gyokuro et Sencha de grande qualité
Un typhon vient de balayer le Japon du sud au nord. Je ne sais pas où il a traîné mais il est bien en retard car c’est au mois de septembre que ce phénomène météo a ici ses habitudes. Des vents violents accompagnés de pluie retournent votre parapluie sitôt entr’ouvert et vous rincent de la tête au pied.
Je n’ai sans doute pas choisi le meilleur jour pour me rendre à Ryogôchi et admirer ces montagnes sur lesquelles on produit aussi bien des Gyokuro que des Sencha de très grande qualité. Cependant, cette débauche de nuages ajoute au mystère de l’endroit. Certes, le village lui-même se cache un peu, de même que la rivière Okitsugawa, mais on devine les choses et c’est très japonais, ça, de suggérer plutôt que d’affirmer.
Kyoto : une ville où le temps s’est arrêté
Je vous écris de cette ville où le temps s’est arrêté, où les temples se comptent par milliers, où les jardins sont parfois de mousse, parfois de pierre, mais toujours invitent à la méditation. Ici tout est silence, beauté et raffinement.
Amateurs de voyages intérieurs qu’attendez-vous pour vous perdre au fil de ses ruelles pavées ? Apercevez-vous à la surface du ruisseau le reflet de la geisha qui s’apprête à traverser le pont, son visage blanchi par la poudre de riz, protégé du soleil par sa délicate ombrelle ? Entendez-vous le cliquetis de ses jolis socques en bois ? Il résonne au rythme d’un battement de cœur, le mien, le vôtre, peut-être, voici Kyoto.
Au Japon, on prive certains thés de lumière
Au Japon il existe des thés de lumière et aussi des thés d’ombre. Ces thés d’ombre et que l’on appelle ici «Kabusecha», sont privés de lumière trois semaines avant leur récolte. Cela a pour conséquence d’inhiber la photosynthèse de la feuille, d’obliger le théier à puiser énormément de nutriments, de modifier la composition chimique de la feuille ainsi que ses composés aromatiques.
Sur le plan gustatif, le thé gagne en moelleux et en finesse, et développe moins d’amertume. Le plus connu des «Kabusecha» se nomme Gyokuro, il se reconnait à ses feuilles vert-sombre, fines et luisantes.
Sur cette photo que j’ai prise tout près de Shizuoka vous pouvez faire connaissance avec la façon que l’on a ici de priver certains théiers de lumière en les recouvrant d’une natte de paille.
A Shizuoka, un festival est dédié au thé vert
A l’heure où vous posez un œil sur ce billet je pose le pied au Pays du Soleil Levant. Tous les trois ans se tient en effet, dans la région de Shizuoka, un festival du thé vert : le O’Cha Festival. C’est l’occasion de rencontrer de nombreux fermiers qui cultivent le thé dans les montagnes alentour et qui daignent, pour l’occasion, quitter leurs théiers pour aller saluer leurs collègues, leurs clients ainsi que les journalistes. Lors de cette manifestation on peut déguster de nombreux thés, assister à la fabrication d’un matcha ou bien d’un temomi cha, le thé qui se manufacture entièrement à la main.
La consommation de thé vert, qu’il soit de très grande qualité ou bien d’une qualité plus commune, fait partie intégrante de la culture japonaise. On vous en sert à longueur de journée, les Japonais en boivent même dans la rue, en marchant, grâce aux nombreux distributeurs de cannettes implantés dans ce pays. Enfin, la cérémonie de thé japonaise dite Cha no Yu est profondément ancrée dans la tradition, depuis plus de 500 ans, au même titre que l’art floral – Ikebana -, par exemple.
Lors de ce O’Cha Festival ce sont surtout des crus remarquables que l’on peut goûter. Plusieurs concours sont organisés pendant le salon afin d’élire les meilleurs thés verts de l’année : une immense fierté pour les fermiers dont la production aura été reconnue.
Voici justement, prise sur le vif, une famille entrain de procéder à la récolte d’un sencha. Leur parcelle n’est pas bien grande mais leur thé vaut de l’or.
A Darjeeling : l’idée d’un état séparé fait débat
Depuis une trentaine d’années la situation politique à Darjeeling reste tendue. Si tout le monde s’accorde pour rester au sein de l’Union Indienne, une partie importante de la population souhaite jouir d’une certaine indépendance et disposer d’un état indien qui lui soit propre, au lieu de faire partie du Bengale-Occidental, comme aujourd’hui. Un état séparé, à l’instar du Sikkim voisin, permettrait peut-être de disposer de bien meilleures infrastructures et de toucher des subventions directement de la capitale, Delhi, au lieu d’attendre de Kolkata une aide qui ne vient pas. Par ailleurs, la majeure partie de la population de Darjeeling est constituée d’Indiens d’origine népalaise, qui aimeraient bien prendre eux-mêmes les décisions qui les concernent. Certains lui ont déjà donné un nom que l’on voit fleurir le long des routes et que ces manifestantes reprennent lorsqu’elles scandent, dans cette rue de Darjeeling « We want Gorkhaland !». Vous remarquerez qu’elles brandissent deux drapeaux différents, celui du futur Gorkhaland, précisément, et celui de l’Inde, preuve de leur volonté que le nouvel état soit bien ancré au sein de l’Union Indienne.
Ici, dans l’Himalaya, on confie ses prières au vent
Ce dimanche je suis monté au temple qui surplombe Darjeeling, à quelques dizaines de mètres de Chowrasta. La difficulté majeure de cette promenade constitue à éviter les hordes de singes qui ne demandent qu’à vous dépouiller et montrent leurs crocs acérés pour peu que vous ayez dans les poches la moindre nourriture. Une fois arrivé au temple j’en fais doucement le tour, ou bien m’assois sur l’un des bancs de pierre pour observer les fidèles. Dans tous les cas je ne peux m’empêcher, à un moment ou à un autre, de lever le nez pour contempler les drapeaux de prières, ces morceaux de toiles sur lesquels on a imprimé des vœux ou bien des mantras. Puis que l’on confie au vent afin qu’il les exauce.
Cette poésie me fascine et m’apaise, j’observe ces toiles de rien du tout, multicolores, se balancer doucement au gré de ce souffle qui va de la terre au ciel et conduit nos prières jusqu’aux dieux.
Ce dimanche à 14h45 sur France 5 « Thé pour tous » !
Les documentaires sur le thé ne sont pas si fréquents, alors quand il en passe un à la télé autant ne pas le rater. France 5 diffuse justement dans le cadre de la série « Global Drinks », ce dimanche à 14h45, un documentaire intitulé « Thé pour tous ». Le reportage dure 52 minutes, ce qui est assez exceptionnel. Le réalisateur, Stefano Tealdi, s’est promené du Japon à Taïwan, du Royaume-Uni à l’Inde, en passant par Paris. Nous nous sommes rencontrés il y a un an et j’ai eu plaisir à accepter qu’il me suive dans les montagnes de thé. Nous nous sommes donc retrouvés à Kolkata en février dernier. Puis nous avons pris la route de Darjeeling en compagnie de Sandro DeFrino, son caméraman, et d’Angelo Galeano, son preneur de son.
Se promener avec une équipe de télé dans des endroits que vous aimez, au bout du monde, n’est pas simple. Autant se balader avec un éléphant dans un magasin de porcelaine. Mais avec Stefano, Angelo et Sandro cela a été un vrai plaisir, ils ont tous les trois fait preuve d’une très grande délicatesse à l’égard de tous les gens que je leur ai présentés, et d’une profonde finesse dans la compréhension des subtilités locales. C’est rare. Je suis donc heureux de les avoir rencontrés, je crois que quelque chose comme de l’amitié est née entre nous et j’ai hâte de visionner leur film.
Sur cette photo prise à Kolkata, Stefano Tealdi, que l’on voit de dos, discute avec Krishan Katyal, Directeur de la société de vente aux enchères J Thomas & Co. Krishan est l’un des meilleurs experts Indiens, j’aurai sûrement l’occasion de vous reparler de lui.
Ps : pour celles et ceux qui, comme moi, n’ont pas la télé, vous pouvez cliquer ici http://documentaires.france5.fr/documentaires/global-drinks/pour-tous pour visionner l’émission avant le 25 octobre prochain.